Pour l’amour d’un muffin ϟ Joris

On ne peut pas dire que Léandre dormait mal en ce moment – il n’avait jamais vraiment eu de difficultés pour dormir en général – mais allez savoir pourquoi cette nuit avait été une nuit agitée pour lui. Il s’était tourné plusieurs fois dans son lit, s’était décaché puis recaché sous la couette, avait éloigné les oreillers puis les avait récupérés quelques minutes après. D’un naturel peu anxieux, ce comportement était bizarre chez lui et il ne savait comment l’expliquer. Il était d’ailleurs peu probable que cela soit l’annonce qu’avait faite le Directeur Kramer l’avant-veille au Garden Festival qui avait pu avoir un aussi grand impact sur son cycle du sommeil. Ce n’était vraiment pas dans sa nature de stresser. Peut-être avait-il mal digéré quelque chose qu’il avait mangé la veille. Toujours étant que ce matin, le réveil avait été difficile. Comme si la phase de récupération du sommeil avait été squeezée dans le processus. Même la douche n’avait pas réussi à le sortir de son état de léthargie. Un bon café lui ferait sûrement du bien. Oui c’est ça qu’il lui fallait sans l’ombre d’un doute.

Une fois à la cafétéria, Priam échangea quelques mots avec une des opératrices qui mettait déjà en place les éléments nécessaires au petit déjeuner de la toute la BGU, prit un plateau avec différentes mignardises et le fameux café puis s’installa à une table vide. Vu l’heure, la salle était peu remplie. Il était encore tôt et les cadets ne viendraient pas avant 8h30. Le Seed grignota ses viennoiseries en laissant son muffin de côté pour garder le meilleur pour la fin mais n’eut pas vraiment le temps de boire son café car il sombrait déjà dans les bras de Morphée. Une bonne vingtaine de minutes s’étaient bien passées lorsqu’il senti la présence de quelqu’un à proximité. Léandre émit l’hypothèse que c’était sa sœur qui venait le taquiner comme à son habitude. Cette personne pensant sûrement que Léandre avait terminé son petit déjeuner, avança sa main vers le délicieux muffin. Ce n’était pas sans compter sur les réflexes de ce dernier qui releva subitement la tête en attrapant la main du « chapardeur ».


Quelle surprise. Le jeune Ravenel ne s’attendait pas à voir une autre personne que sa sœur tenter de lui ravir sa collation de la matinée. Il faut dire qu’à l’époque, la jeune fille n’hésitait pas à lui faire les yeux doux pour avoir la chance d’avoir double ration de dessert. Et Léandre lui laissait volontiers sa part car il ne pouvait pratiquement rien lui refuser.

Tel un zombie qui venait de prendre vie, j'étais descendue jusqu'à la cafétéria. Il était encore tôt et je n'avais croisé quasiment personne. Les cadets dormaient encore et le reste, n'avait pas vraiment d'heure fixe. Les instructeurs devaient surement être déjà dans leur salle de réunion. Personnellement je serai bien resté aussi dans mon lit. Mais Exodus en avait eu marre de me regarder faire le mort dans ma chambre et m'avait forcé à me lever en n'arrêtant pas de me crier dans la tête. J'avais donc pas juste une sale tronche mais aussi une migraine énorme. Les révélations de Kramer faites lors du festival n'étaient toujours pas passés. Je le vivais très mal et les cauchemars étaient revenus. Vu mon état, je n'étais pas partie rejoindre Paul. Je n'avais pas envie qu'il me voit ainsi et s'inquiète. Avec le temps j'irai mieux. Ou pas. J'avais tout de même pensé à mettre mes lunettes de soleil pour cacher les affreuses cernes que j'avais.
C'était avec une très grande motivation que j'étais entré dans la cafétéria. Un verre de lait et après je pourrais aller me rouler en boule sous ma couette. Je ne pouvais de toute manière rien avaler. Ma gorgée était noué comme si on avait serré une corde autour. Si je m'attardais pas trop je pourrais aussi éviter la bande d'abrutis qui s'en prenait à moi. J'étais très loin de croire que l'intervention de Megara et de Freya avaient changé quelque chose. Oh non, se faire sauver par des filles c'était une vraie honte pour ces hommes qui avaient seulement leurs pénis en guise de cerveau. Soupirant, je me versais un verre de lait avant de longer les tables pour aller m'asseoir. Mon regard tombait en chemin sur un muffins. Cette pâtisserie éveillait tellement de choses en moi, des bonnes comme des mauvaises. Surtout des mauvaises. C'était mon met préféré depuis que j'étais petit. Cain avait toujours eu l'habitude de m'en offrir quand j'allai mal ou pour simplement me faire plaisir. Il me donnait toujours aussi le sien à la cantine de la Trabia Garden. Je le revoyais parfaitement me sourire tout en me tendant le muffins, me taquinant sur le fait que je n'avais que la peau sur les os. Ce n'était pas ma faute si je ne grossissait pas. Perdu dans mon souvenir, ma main s'était rapproché du muffins. Je sursautais lorsque celle ci se faisait attraper, laissant échapper mon verre qui se brisait sur le sol,  et j'avais fermé les yeux, me protégeant le visage avec mon bras libre. Comme si j'allai me faire frapper. Sauf que à par me faire sermonner, rien d'autre ne venait. Alors je finissais par me détendre, tombant sur le Seed avec lequel j'avais vu Freya au festival. D'après les dires c'était son frère.

- Désolé...

Soufflais je en rougissant légèrement. De gêne d'avoir été pris en flagrant délit involontaire et aussi parce qu'il me tenait la main. J'aurai très bien pu la dégager mais j'étais figé dans mes mouvements. Je n'avais même pas prêté attention au lait qui avait éclaboussé le bas de mon jean que j'avais enfilé rapidos. Oui, ce matin je n'avais rien de l'allure d'un mannequin avec mon vieux pull gris trois fois trop grand et mes cheveux légèrement décoiffé.

- Tu...tu peux me lâcher s'il te plaît...?

Vu le ton plaintif que j'avais employé, on pouvait supposer que j'avais peur de mon interlocuteur. Alors que je ne supportais tout simplement pas qu'on me touche. Et quand j'étais au fond du trou c'était encore pire.

Tiens, le jeune homme qui se tenait devant lui n’était autre que le garçon du Festival que sa sœur et son acolyte avaient défendu contre des imbéciles sans cervelle. Apparemment, Léandre l’avait surpris dans tous les sens du terme car celui-ci laissa le grand verre de lait qui était présent sur son plateau glisser vers le sol, éclaboussant son propre pantalon au passage. Léandre avait eu de la chance, le siens n’avait rien mais la réaction du « gourmand » l’étonna plus qu’autre chose. Il s’était mis en position de défense, prêt à encaisser le coup que Priam pourrait lui infliger en guise de correction et le suppliait presque qu’il le libère de son emprise.


Le Seed de rang A le relâcha sans plus tarder. Il n’était vraiment pas du genre à punir quelqu’un pour cela et encore moins à lui faire des remontrances. Le ton qu’il avait employé auparavant avait été d’ailleurs plutôt dans le style railleur, pensant dans un premier temps qu’il s’agissait de Freya qu’il aurait bien taquiné un peu avant de la laisser négocier son gâteau. Cependant, cela avait été tout autre et le voilà qui passait pour quelqu’un qui martyrisait autrui.


Lui répondit-il calmement en lui faisant signe de s’assoir en face de lui tandis qu’il épongeait le lait étalé par terre avec une serviette et qu’il rassemblait le plus gros des morceaux de verre bien emmitouflés dans cette dernière. Autant le faire soi-même en amont plutôt que de laisser les agents d’entretiens de surface le faire. Ils avaient bien assez de boulot comme ça avec tout le passage qu’il devait y avoir dans la journée. Pendant ce temps-là, le blondinet en face se remettait doucement de ses émotions. Sa besogne faite, Léandre prit sa tasse de café qu’il porta à ses lèvres pour en boire une gorgée. Hum… Son café était maintenant tiède. Bon ça ferait quand même l’affaire. Il était responsable de ça après tout. On ne se laisse pas happer par Morphée lorsqu’on est censé petit déjeuner.


En réalité, Léandre aurait pu encore engloutir un bataillon de douceurs mais c’était sa manière à lui d’essayer de mettre à l’aise son nouveau voisin de tablée. Celui-ci semblait assez impressionné par sa carrure même s’il n’y avait aucune raison qu’il ait si peur de lui. Il fallait vraiment une bonne raison pour faire sortir Priam de ses gonds et là c’était tout sauf le moment.

Ma réaction était surement exagéré. Mais c'était une chose que je n'arrivais pas à maitriser. Me figer ou sursauter, c'était l'un ou l'autre. Pour le reste, je supposais qu'à force de me faire martyriser par les autres, j'avais pensé que la personne qui m'avait attrapé ne faisait pas exception. C'était bien sur avant de voir qu'il s'agissait du frère de Freya. Il ne pouvait pas être mauvais n'est ce pas ? Si il partageait le même sang que celle qui m'avait sauvé. Le Seed avait d'ailleurs lâché ma main suite à ma demande. Je pouvais enfin réellement me détendre et constater les dégâts. Je pouvais déjà entendre Exodus m'ordonner de retourner chercher quelque chose à manger - après avoir nettoyer. Mais l'autre homme m'avait déjà devancé - même inviter à m'asseoir avec lui. Qu'est ce qu'il me voulait ? Pourquoi il voulait que je mange avec lui ? Soupçonneux, je finissais tout de même pas poser mes fesses sur la chaise en face de lui.

* et ton repas ?*
* je ne peux pas me dédoubler *

Je n'avais pas envie de froisser mon collègue en me levant - parce que j'étais persuadé que si je le faisais ça ne serait pas pour aller me resservir un verre de lait mais pour quitter l'enfer de la cafétéria. Je fixais donc l'homme en face de moi, attendant tranquillement qu'il est fini. Jetant malgré moi un coup d'œil sur le muffins qui n'avait pas bougé de sa place. J'avais haussé les sourcils à l'offre. Me demandant ce que ça cachait. On ne se connaissait même pas. Pourquoi m'offrir quelque chose ? Je ne comprenais pas. Ma G-Force elle, était beaucoup moins curieuse et me disait de prendre et puis c'est tout. Ce n'était pas souvent que j'avais le droit à un petit cadeau - du moins de ce genre là.

- Euh...d'accord...merci

Soufflais je avant de m'emparer de la viennoiserie comme si c'était un précieux trésor. L'odeur du chocolat me faisait doucement sourire, me rappelant les souvenirs des années où Cain était encore en vie. Je restais tout de même sur la défensive face à mon interlocuteur. C'était un Seed de rang A, je le savais. Je n'avais pas enregistré son nom pour autant.

- Hum ? Non, je suis juste fatigué

Moralement et physiquement. D'ailleurs, je relevais mes lunettes de soleil pour lui montrer mes cernes. Certes, j'étais peut être aussi un peu tendu. Parce que j'avais pas l'habitude de me faire inviter par un inconnu - à moins de s'appeler Paul.

- Tu as l'air aussi d'avoir mal dormi...

Constatais je avant d'attaquer mon muffins avec mes doigts pour en couper un bout. Peut être est ce que les révélations de Kramer l'avait aussi touché ? Après tout, je ne devais pas être le seul à me sentir trahi par le directeur. Malgré tout j'étais toujours là. Je supposais que je n'avais pas la force de poser ma démission. Si je le faisais, je ne pourrai surement plus utiliser la paramagie et me défouler grâce à elle. C'était bien la seule chose que cet endroit m'apportais. Ca et puis aussi les ennuis.
Les deux abrutis qui me harcelait depuis que j'étais devenu Seed et qui s'était fait battre par Megara et Freya venaient de faire leur entrée. J'avais réussi depuis à ne pas les croiser - parce que je ne sortais pas de ma chambre. J'ignorais si la présence du Seed suffirait à les garder loin de moi dans cette pièce. Je ne désirais cependant pas qu'il me voit et attrapais mon plateau que j'avais posé sur la table pour me cacher derrière.

Le garçonnet avait une manière de fixer Léandre qui l’intriguait particulièrement. Il lui avait juste proposé de s’assoir avec lui. Il n’y avait rien de louche là-dedans si ? On ne pouvait plus être gentils alors ? Il ne fallait pas voir le mal partout car il restait quand même du bien et des personnes encore suffisamment gentilles et serviables. Dommages que Joris n’ait eu à côtoyer majoritairement que des mauvaises personnes. Peut-être aurait-il pu être un peu moins suspicieux. En tout cas, il n’avait vraiment rien à craindre de Léandre à cet instant.

Buvant quelques gorgées de son café, Léandre fixait également du regard son camarade qui fini par baisser les yeux pour les diriger vers le muffin laissé sur le plateau du Seed de rang A. Un rictus s’était affiché sur le visage de l’homme mûr. Ce muffin était appétissant hein ? Il voyait bien dans les yeux du jeune Seed qu’il avait envie de croquer dedans. C’était bien pour cela que Léandre l’avait gardé pour la fin. Mais bon sa générosité le perdra un jour. Ce petit bonhomme au regard apeuré devant lui le faisait trop pitié. Si cela pouvait lui faire plaisir alors mister Ravenel serait son bienfaiteur aujourd’hui en lui offrant son délice. Offre qui sembla interloquer son compagnon de petit déjeuner.


Léandre lui fit un signe de tête pour lui signifier qu’il pouvait avoir confiance et accepter de croquer dedans. Il n’avait pas de dent contre lui donc pourquoi irait-il jusqu’à tenter de l’empoisonner. Et même si c’était le cas, il n’agirait pas ainsi. Il eut alors une pensée pour l’instructeur Nanoo. Cet homme était connu pour être un peu paranoïaque à la BGU. A croire qu’il aurait pu déteindre sur ce petit homme. Priam en rirait presque rien que d’y penser et il était finalement ravi de l’effet que ce cadeau pouvait avoir sur son interlocuteur qui laissait enfin apparaître un sourire. Léandre lui demanda quand même si tout allait bien car il le trouvait vraiment très tendu et sur la défensive.



C’est vrai que les cernes que le jeune inconnu arboraient étaient bien marquées. Si de son côté, cela faisait qu’une nuit qu’il avait mal dormis. Du côté de son voisin, cela devait bien faire plusieurs nuits qu’il ne dormait pas toutes ses heures de sommeil réparatrices. Léandre se contentait de l’observer grignoter le muffin lorsqu’il se rendit compte qu’ils ne s’étaient même pas présentés.


Tout à coup, le jeune homme prit son plateau et le mit subitement devant son visage pour se cacher. Dans l’incompréhension la plus totale, Léandre se retourna pour comprendre la réaction de son compagnon. Il réalisa très vite que les deux péteux qui s’en était pris à lui lors du Festival venait d’entrer dans le réfectoire. Ils semblaient l’avoir repéré car ils se dirigeaient vers eux mais un simple regard de la part de Léandre les dissuada de venir de nouveau enquiquiner Joris. Ils s’étaient rendu compte au dernier moment d’avec qui leur victime déjeunait et bifurquèrent très vite vers une autre table de peur s’attirer des ennuis.


Ce n’était même pas concevable que de tels énergumènes puissent être Seed. Un comportement comme le leur n’était pas digne de se statut et ce qui suivait le prouvait encore. Un projectile de nulle part arriva par les airs s’écraser sur la tête de Joris. En plein dans le mille. Puis un deuxième ne tarda pas à suivre ainsi qu’un troisième. C’était de la mie de pain trempée dans du chocolat. Léandre avait déjà repéré d’où cela venait et sans plus tarder, il s’était levé pour rejoindre la table des coupables où il avait attrapé chacun des deux par une touffe de cheveux, les avait surélevé et avachis la tête la première dans leur bol chocolaté devant les yeux moqueurs de leurs camarades.


Toute la tablée se mirent à rire alors que les jeunes Seeds humiliés s’essuyaient le visage dégoulinant de lait chocolaté. Léandre en profita pour débarrasser leur plateau de leurs muffins et autres délicieux mets sucrés et retourna à sa table où Joris l’attendait non sans leur adresser une dernière parole :


Déposant ses victuailles dans son plateau, Léandre se rassied en face de Joris avec un air satisfait :

J'aurai bien aimé être aussi optimiste que mon interlocuteur. Me dire que je dormirai mieux ce soir alors que je savais pertinemment que ça ne serait pas le cas. Oh surement pendant une heure avant que mon cauchemar ne me rattrape. C'était surtout ça le plus épuisant. Se réveiller en sursaut tout en sueur. On avait plus vraiment envie de s'endormir après ça. Paul avait réussi à chasser ces mauvais rêves mais l'annonce de Kramer avait tout foutu en l'air. De mon côté, j'avais été très loin de m'imaginer que la création de la BGU cachait un si gros loup. Peut être parce que je ne m'étais jamais posé la question. Je m'étais simplement contenté de suivre mon frère sans m'intéresser davantage sur la raison de l'existence d'une communauté de mercenaire. Protéger, tuer des gens en échange d'une somme d'argent m'avait semblé "normal". Bien qu'en vérité je n'étais pas du tout pour le meurtre, à part sur les monstres. On pouvait donc se demander ce que je faisais ici, ce que pas mal de monde faisait déjà à l'heure actuelle.

- Et vous êtes nombreux a avoir eu un doute là dessus ?

Je n'avais pas vraiment eu le temps d'en discuter avec quelqu'un, ni avec Nathan, Lucian ou même Megara. D'ailleurs, est ce que cette dernière s'était calmé ? Elle avait fait une crise de panique lors du festival et si je n'avais pas été à ses côtés, qui sait si il n'y aurait pas eu quelque chose de grave. Je pouvais aussi remercier la rapidité de Lucian de nous avoir sortie de tout ce cirque.

- Joris. Je ne connais pas vraiment ta sœur, je ne lui avais à vrai dire jamais parlé avant qu'elle ne vienne à mon secours au festival

En plus comme c'était une SOLDAT, je ne pouvais même pas dire que je l'avais déjà croisé. Moins je voyais de personnes mieux je me portais. Et puis de mémoire, je crois qu'elle était revenu il n'y avait pas longtemps à la BGU. J'avais aussi entendu des rumeurs comme quoi elle était malade mais les rumeurs, c'était des rumeurs. J'en savais quelque chose puisque j'avais eu mon lot aussi. Mais Léandre ne semblait pas être du genre à s'intéresser à ce genre de truc. Sinon il ne m'aurait pas invité à sa table et offert son muffins, que je prenais plaisir à déguster. Même si je mettais du chocolat sur mes doigts avec les pépites. Mais il y avait toujours quelque chose - ou plus exactement quelqu'un en cet instant - pour casser mon plaisir. La bande de demeuré était entré en scène et stupidement, j'avais pensé que me planquer derrière mon plateau suffirait à les éviter. Je ne savais donc pas qu'ils m'avaient repéré et que d'un regard Léandre les avaient dissuader. Ce n'était que lorsque le Seed m'avait dit qu'ils s'étaient éloignés que j'avais reposer mon plateau. Je ne pouvais qu'être d'accord avec lui sur la méthode de sélection mais qui étais je pour mettre mon nez là dedans ? Ces abrutis mettaient surement de plus de cœur à l'ouvrage en mission que moi.

- J'avais pensé qu'en venant tôt, je réussirais à ne pas voir leur tête

Manifestement, je n'avais pas eu cette chance. Mais la présence de Léandre était très loin de les dissuader de m'embêter car je venais de recevoir quelque chose sur la tête. Au moins cette fois ce n'était pas une balle de tennis. Quelqu'un d'autre que moi aurais surement déjà répliqué, mais je m'étais simplement contenté de lever mon bras pour me protéger. Léandre, lui, s'était levé et je l'avais suivi du regard aller sur la table des assaillants et s'en prendre à ceux qui s'étaient amusé à me jeter du pain. Je me sentais un peu gêné de me retrouver à nouveau dans le rôle de la princesse en détresse. Mais j'étais aussi quelque part reconnaissant envers le frère de Freya de m'avoir aider. Visiblement, cette famille avait ça dans le sang. Les voir se faire ainsi humilier avait quelque chose de drôle et je tentais de dissimiler mon sourire derrière la paume de ma main. Léandre en avait profité pour voler leurs pâtisseries et de les ramener à notre table.

- Tu n'étais pas obligé tu sais...j'ai l'habitude...et je ne voudrais pas que mes problèmes te cause des soucis en retour

Cela m'étonnerait beaucoup qu'ils osent s'en prendre à Léandre après ça mais avec ce genre d'idiots on ne savait jamais à quoi s'attendre. Mais bon, d'un côté ils avaient eu ce qu'ils méritaient, même si ce n'était pas moi qui avait fait le boulot. Quand je disais que je n'avais pas besoin de me fatiguer à faire le travail, j'avais raison. Il y avait toujours un bon samaritain un moment donné. Pas toujours certes. Léandre était donc mon prince charmant n°3 et j'attendais avec "impatience" notre relation imaginaire. Enfin bon, il y avait un temps avant que ça fasse le tour de la BGU alors autant profiter de ce petit déjeuner. Ca fera au moins un heureux parmi nous que je me remplisse l'estomac. Je prenais l'un des muffins, et le posai devant Léandre.

- Tiens, j'ai mangé le tien, il me parait juste que tu ais tout les droits sur celui là

Léandre repensait notamment à la période où il avait quitté les siens pendant que Freya entrait au sein du SOLDAT. Cette période où il avait reçu des lettres d’elle pendant un certain temps puis les lettres se faisaient plus rare jusqu’à même être limite dépersonnalisées. Ces dernières n’étaient même plus écrites par ses soins mais par l’organisation. Inquiet, c’est ce qui avait en parti décidé le jeune homme à revenir dans les parages. Il savait à présent que sa sœur était malade et même si elle n’avait pas voulu lui détailler ce qu’il s’était passé pendant son entrainement spécial au SOLDAT, il avait toujours pensé au fond de lui que c’était lié sans pouvoir émettre une raison à cela. Pourquoi créer une élite super entraînée en plus des Seeds si ce n’est pour combattre quelque chose d’encore plus puissant ?


Après un polis « bon appétit », Léandre se rendit compte que les deux comparses ne connaissaient pas l’identité de l’autre et il se résolut à se présenter. Apparemment, il ne connaissait pas tellement plus sa sœur que lui mais ce n’était pas étonnant. Cela ne faisait que peu de temps que Freya avait quitté le SOLDAT et était réapparu à la « civilisation ». Même lui qui avait tenté en vain de la trouver pendant des mois, n’y avait pas réussi. Les missions des uns et des autres faisaient qu’ils avaient un peu tous tendance à se croiser sans réellement se côtoyer de très près.

En tout cas, Léandre était ravi de voir Joris prendre autant plaisir à manger sa pâtisserie. Cependant, le plaisir fut de courte durée puisque le jeune Seed prit très vite son plateau comme bouclier afin de se cacher d’une menace qui était encore inconnue à Léandre avant qu’il se retourne pour voir de quoi il s’agissait. Il leur donna alors un avertissement rapide qui les empêcha de venir pêcher leur victime à sa table au grand damne de Joris, venu très tôt justement pour éviter ce type de situation. Ce ne fut malheureusement pas suffisant. Les enquiquineurs s’étaient passé le mot pour s’en prendre à Joris à distance. Agacé par ce comportement puéril, Priam ne put s’empêcher d’intervenir. Il n’usa pas de la force à proprement parler. Non, il s’était contenté de les humilier publiquement pour amuser la foule et un peu se défouler, c’est vrai, tandis que dans un même temps, il entendait les frères Taurus se réjouir gaiement de la scène. « C’est qu’ils l’ont bien mérité ces deux-là ! » « Bien joué Buddy ! ».  Un petit sourire satisfait sur les lèvres, il était revenu s’assoir avec de nouvelles bonnes choses à partager avec Joris qui s’inquiétait déjà des représailles :



Son sourire s’élargit avant de poursuivre avec un ton plus qu’amusé :


Il était maintenant l’heure de déguster les victuailles des vainqueurs. Alors que Léandre priait son nouveau compagnon de se servir, celui-ci prit l’un des muffins et le déposa dans le plateau de son sauveur du jour.



Le Seed de rang A prit le gâteau et le porta à sa bouche. C’était tellement délicieux qu’il était sûr que cela se voyait sur son visage qu’il en était comblé. Bizarrement, la salle était devenue plus silencieuse. Sentant des regards se poser sur lui, il jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Plusieurs tablées les regardaient en chuchotant. Léandre arqua un sourcil et s’adressa à Joris :

Est ce qu'il y avait un genre de censure à la BGU ? Je n'en avais jamais entendu parler. A part le secret professionnel en dehors des murs du bâtiment et de la paramagie, je n'avais pas connaissance d'une interdiction de douter des motivations de Kramer. J'étais tout de même rassuré de savoir que je n'étais pas le seul à m'être fait avoir par le directeur. Après il y avait des personnes comme l'instructeur Nanoo qui devait jubiler d'avoir eu raison. Sa paranoïa était très connu. Après je ne m'étais pas non plus poser de questions sur l'existence d'hyper mercenaire comme les SOLDATS. Je m'étais simplement dit qu'il assurait seulement ses arrières, comme tout chef. Il avait certes bien fait, vu qu'une sorcière venait de sortir d'un chapeau et nous menaçait. Je ne me sentais pas non plus vraiment en danger cela dit. Pas parce que je me croyais invincible mais parce que je n'avais pas peur de mourir. Si je passais de l'autre côté, ma mère et mon frère m'attendait là bas.

- Disons qu'à la base je ne me suis pas inscrit ici pour des visions, et ça me déplait beaucoup

Avouais je avec un mince sourire fatigué. Si il n'y avait eu que ça qui m'empêchait de dormir en plus. Mes cauchemars étaient revenus et c'était épuisant moralement de toujours se réveiller en sursaut et paniqué. Heureusement que les murs de la chambre étaient bien insonorisés sinon mes voisins auraient surement été embêté par les cris que je pouvais pousser la nuit. Je ne rêvais donc que d'une chose en ce moment : une bonne nuit de sommeil sans aucun trouble. Chose que j'étais arrivé à trouver dans les bras de Paul. Mais comme ce n'était pas la forme en ce moment je préférais m'abstenir de le voir. Je lui envoyais juste des messages pour ne pas qu'il s'inquiète comme la dernière fois. J'avais prétexté être très occupé avec mon travail et que je n'avais donc pas le temps de passer. Un mensonge de plus dans notre relation. Mentir au paysagiste ne me plaisait pas du tout mais je n'avais pas le choix pour le protéger. Et il serait en plus capable de s'inquiéter encore plus pour moi si il savait que j'étais un Seed.
J'étais bien sur capable de me défendre comme un grand même si à la BGU je ne le montrais pas vraiment. Je n'étais pas un guerrier dans l'âme et ne répondait à aucune violence dont j'étais la cible. Comme maintenant. N'importe qui d'autre que moi aurait surement répliqué, remis à leur place la bande d'abrutis comme venait de le faire Léandre. Mais moi j'en étais incapable. Je n'arrivais pas à trouver une motivation suffisante pour réagir. Mon cerveau refusait de se fatiguer pour ce genre de types. Et puis, bon, mon sauveur avait l'air ravi de les avoir humilié en public, alors tout le monde était content. Je ne désirais cependant pas qu'il se fasse embêter à son tour pour m'avoir aidé.

- Vu ce que tu leur a fait, je pense qu'ils ne sont pas assez stupides pour s'y risquer, tu as raison. Et si en plus ça t'a permis de te détendre, je ne peux que saluer la démarche

Je ne savais pas vraiment ce qu'il y avait tant de défoulant quand on s'en prenait à quelqu'un. Mais bon, je n'allai pas chercher. Il y avait beaucoup d'humains qui trouvaient la joie dans la violence. C'était triste comme constatation. J'étais surement trop naïf pour penser qu'un monde de paix et d'amour serait beaucoup mieux pour vivre. Mais ça, je l'avais juste eu dans ma petite bulle avant qu'elle n'éclate en petits morceaux. Enfin bref, il n'était pas l'heure de ruminer mais plutôt de dévorer ce que Léandre avait rapporté. Je lui tendais un muffins, pour remplacer celui que je lui avais volé. Mon interlocuteur semblait les adorer aussi vu sa tête quand il avait mordu dedans. Une vision qui me faisait doucement sourire alors que je me régalai aussi de mon côté.

- Hum ?

Je regardais aussi autour de moi. Constant qu'en effet on nous regardait en chuchotant. Aish, c'était agaçant. Je pouvais jamais aller quelque part avec quelqu'un tranquillement. Ce n'était pas qu'ils voulaient à nouveau une bagarre, quoique cela ne ferait que faire fonctionner encore plus leur imagination débordante.

- Pas de chance pour toi. En me sauvant la vie tu es devenu mon prince charmant

La BGU c'était pire que la presse people parfois. Au fond, je m'en fichais que l'on me mettait avec untel ou untel. Je savais que j'étais avec personne.

Léandre releva la tête pour fixer son interlocuteur. Il était étonné de sa réponse. Bien entendu que personne ne s'était inscrit pour des visions et on ne s'attendait pas à ce que le Directeur Kramer leur fasse une annonce pareille maintenant mais logiquement, l'ensemble des Seeds et des membres du SOLDAT avaient signé en connaissance de cause que leur vie serait parsemée de risques et de danger. Ainsi, forcément il y avait un enjeu très important derrière cela. Finissant sa bouchée, le jeune brun lui demanda :


Bien sûr Léandre n’avait pas toujours été d’accord avec les décisions ou l’attitude de Kramer voire du sous-Directeur Norg, surtout lorsqu’il s’agissait de Freya. Il avait vraiment eu le sentiment de s’être fait balader depuis son arrivé jusqu’à ce que Cid daigne enfin lui révéler où se trouvait celle qu’il chérissait le plus. Et ça, il détestait vraiment qu’on lui parle avec détours. Donc c’était normal. On ne pouvait pas toujours être en accord avec tout le monde. Malgré tout, il n’avait jamais remis en question les desseins de l’Organisation. Ceux qu’on avait bien voulu leur présenter en tout cas. Après tout, ils en avaient quand même sauvé des Civils et ils avaient été utiles à leur niveau. Chacun le savait ici, ils étaient tous libres de penser ce qu’ils voulaient à partir du moment où ils ne trahissaient pas le SEED en menant des actions contre ce dernier. Le recrutement était d’ailleurs très pointilleux et une enquête était faite sur chaque individu avant de les intégrer à l’Organisation. Ainsi, si on n’exprimait pas forcément ses doutes ouvertement, c’est qu’ils n’étaient peut-être pas assez pertinents pour être révélés.

L’épisode des brutes passé, Joris s’était senti gêné que Léandre intervienne en sa faveur. Ce dernier avait tenté de le déculpabiliser en lui affirmant qu’il ne l’avait pas fait que pour lui. Léandre n’était pas du genre très violent mais il ne supportait pas les lâches. Il en avait connu dans sa jeunesse et leurs exactions avaient eu tendance à l’agacer alors remettre à leur place les persécuteurs du jeune garçon était tout ce qu’ils avaient mérités. Ce n’est pas comme s’ils les avaient violentés. C’était juste une petite blague bien avisée, voilà tout.

Alors que chacun des deux comparses de tablée étaient joyeusement occupés à déguster leurs bons muffins, toute l’attention de l’assistance s’était portée sur eux. Une attitude qui étonna Priam, préférant poser la question à son voisin. Peut-être qu’il saurait de quoi il en retournait, sait-on jamais.



C’était limite si Léandre n’avait pas envie d’éclater de rire, tellement la phrase de Joris lui avait paru ridicule.

Qu'est ce qu'ils avaient tous à me poser cette question ? C'était évident que ce n'était pas pour les beaux yeux de Kramer et encore moins pour défendre la veuve et l'orphelin. Bon cela dit, Léandre ne semblait pas beaucoup me connaître ou, tout du moins, avoir entendu parler de moi. Ce qui était une bonne chose. Ou mauvaise, il allait avoir la surprise de me détester par lui-même comme un grand garçon. Ou me faire la morale, au choix. Ce qui risquait de profondément m'agacer. Je savais pourquoi j'étais là, j'avais ma propre motivation même si elle n'était plus vraiment optimale comme avant suite au discours du directeur. La question était : est ce que Cain aurait continué malgré tout ? Surement. Je pouvais très bien l'imaginer crier à la mort de Cydaée. Pour avoir fait souffrir ses amis Soldats et les civils. Je n'avais donc pas d'autres options que de continuer. De toute manière, avec les évènements je ne pouvais plus exercer aussi tranquillement mon autre métier. Même si ce n'était pas écrit en gros sur mon front que j'étais un Seed, cela faisait partie de ma vie.
Au vue des raisons qui amenait Léandre à être ici, je pouvais aisément le comprendre. Il était là pour sa sœur, Freya donc. A la différence qu'elle était bien en vie, pour l'instant. Même si son état de santé n'était pas public, il y avait encore et toujours les bruits de couloirs.

- Mon frère. Je suis là pour lui. J'ai fait ce qu'il n'avait pas pu même si je ne suis pas un combattant comme lui ni un protecteur.

Déclarais avec un son triste dans la voix. J'étais incapable de parler de lui avec joie depuis sa disparition. C'était toujours douloureux de l'évoquer. Mais il faisait partie intégrante de ma vie même dans l'au delà. Si il avait été là, je n'aurai surement pas à subir ces stupides harcèlements. Tout serait aussi surement plus simple. Pas de relations à se faire, à se fatiguer à comprendre comment les autres fonctionnaient. Mais ça c'était une autre histoire. Dans celle-ci j'étais livré à moi même. Heureusement qu'il y avait les Muffins pour me consoler et des personnes comme Léandre pour me simplifier la tâche. Je n'allai donc pas cracher sur ces délicieuses pâtisseries qu'il avait dérobé aux abrutis qui me servaient de collègues. Si ils ne me cherchait pas des noises, ils s'imaginaient des choses avec les autres membres de la BGU à mon sujet. Ce n'était pas comme si je n'étais pas habitué. Et puis jusqu'à présent, les concernés n'avaient pas été outré de cette "romance" inventée.
En l'occurrence mon nouveau "partenaire" avait l'air de plutôt trouver ridicule de cette révélation. Ce qui n'était pas faux. C'était tout à fait ridicule. Je n'avais jamais adressé la personne à cet homme jusqu'à ce matin.

- Ca ne me fait ni chaud ni froid. Si les gens ont du temps à perdre à fantasmer sur des fausses relations, ce n'est pas mon problème

Rétorquais je en haussant les épaules avant de sortir mon portable pour me connecter sur le tchat de la BGU. Lire les conneries des autres, c'était bien pour passer le temps en attendant que Paul rentre du boulot. Bref, comme je le pensais on parlait activement de Léandre & de moi sur cette boîte de discussion virtuelle. Je tendais mon bras vers lui à travers la table pour lui montrer.

- Grâce à moi tu va être célèbre pendant une journée

A cause de moi, serait plus juste. Mais il aurait pu tomber sur pire. Même si j'avais une tête de zombie, je restais tout de même beau ou mignon selon les points de vues.

Alors lui aussi était ici par le biais d’un membre de sa famille. A l’entendre dire, il parlait de son frère au passé et d’une voix triste. N’était-il plus de ce monde ? Léandre ne chercha pas à aller plus loin dans cette direction car cela commençait à devenir personnel et il respectait l’intimité de ses camarades. Leur métier était difficile et ils avaient tous perdu un proche dans l’exercice de leur fonction. Le jeune homme chercha plutôt à le rassurer sur ses capacités :


Ce qu’il s’était passé jusqu’à présent et l’attitude de Joris alertait Léandre sur ce manque de confiance en soi dont avait l’air de souffrir le jeune Seed en face de lui. Les brimades dont il était victime accentuaient le fait qu’il soit un des centres d’intérêts des commères de la BGU. Comme un dommage collatéral, il fallait qu’aujourd’hui Léandre en fasse lui aussi parti alors que jusqu’à présent, il avait réussi à rester plutôt discret. Enfin, qu’on lui prête une idylle avec ce jeune homme le faisait doucement sourire. On pouvait peut-être se poser des questions sur son attirance sexuelle car il était vrai qu’il n’avait montré aucune réelle proximité avec une quelconque femme travaillant au Garden ces dernières années à part peut-être avec Freya. Enfin, cette apparente célébrité n’avait pas l’air d’ébranler ou d’émoustiller ce jeune Seed apparemment.


Avait-il fini en lui montrant ce qu’il se disait sur le chat de la BGU via son smartphone. Au fur et à mesure que les gens commentaient et surenchérissaient, Léandre fini par lever les yeux au ciel. Effectivement, ils n’avaient vraiment rien à faire pour colporter ce type de rumeurs et Léandre imaginait déjà Freya le taquiner sur ce qu’elle aurait pu lire le concernant.

Tous différents. Ca dépendait de quelle différence on parlait. Parce que honnêtement, pour moi ils étaient tous, à peu près, une belle bande de demeurés mais bon...Ca ce n'était que mon avis et je m'abstenais bien de le dire pour ne pas avoir de soucis. Bien que ça se sentait bien que je m'estimais bien au dessus d'eux intellectuellement. Ce qui n'était pas très compliqué. Suffisait de voir le groupe d'abrutis qui s'en était pris à moi tout à l'heure. Je ne disais pas non plus que tout le monde ici bas était stupide. Léandre m'avais l'air très correct. Et puis il y en avait d'autres comme Selena ou Megara qui avaient un cerveau. Le plus étrange était que l'une des deux le cachait mais je n'avais pas cherché à la questionner là dessus.
Mais bon, il était vrai que entre mon frère et moi, il y avait un fossé. On était proche mais pour ce qui était du reste, c'était le Ying et le Yang. Lui, il avait la force et la résistance, moi la paramagie et la vitesse. Ce qui ne m'avait pas empêché d'admirer Cain tout le long de son vivant. Pour l'avoir vu s'entrainer avec Daisuke, je savais qu'il aurait fait un excellent Seed, contrairement à moi. Ce n'était pas que j'étais nul mais il m'arrivais de douter parfois de mes capacités. J'étais loin d'être quelqu'un de vantard malgré les apparences. J'étais peut être vu comme une princesse mais je ne faisais pas du tout ma diva - comme Loveless par exemple. Je suis belle et je le sais alors je met des robes à ras les fesses - C'était comme si moi je me baladais dans les couloirs torse nu en mode beau gosse - regardez moi je suis mannequin. Je savais que j'étais beau, mignon, etc...sinon je ne serai pas aussi mannequin à mes heures perdues.

- C'est vrai qu'il était l'épée et moi la magie. C'était un excellent cadet et il aurait réussi l'examen haut la main

Et hélas, il n'avait pas pu aller plus loin. Je ne lui rendais pas vraiment hommage en agissant comme une tête de mule, je le savais. Après son décès, même mon propre père s'était mis à me comparer à lui. Avant il ne l'avait jamais fait, parce que Cain avait toujours répondu à ses attentes en tant que fils. Et moi, j'avais simplement fait ma vie sans me préoccuper un seul instant des espoirs que pouvait miser mon paternel sur ma personne. Du coup, comme il n'y avait plus que moi à présent, je le sentais que mon père attendait beaucoup de ma part. Mais je ne lui avais jamais rien donné. A part accepter d'aller à des soirées ennuyantes pour représenter Wilder ou aller remplacer en urgence un mannequin malade ou blessé. C'était bien pour ça qu'il était aisé pour moi de faire abstraction de ce qui m'entourait, ignorer les autres, les urgences. Garder mon self-control quand je me faisais attaquer par une bande de macaque.
Alors oui, voir encore une fois une nouvelle rumeur à mon sujet me faisait rien du tout. Ce n'était même pas inventif au fond. Tellement c'était redondant. Par contre ça devait être la première fois pour Léandre. Il était vrai que je le connaissais simplement de nom, parce qu'il était de rang A.

- Dans deux jours ils seront passés à autres choses

Les rumeurs c'étaient comme le vent. Ca changeait de sens d'un seul coup.

- Ils l'ont cherché non ? Je veux dire, une guerre ça ne se créait pas tout seul. Si Cydaée veut nous détruire, elle doit bien y avoir une raison. Ce n'est pas simplement une psychopathe, comme j'ai pu l'entendre de la bouche de plusieurs de nos camarades

Je ne défendais pas non plus la sorcière. Mais il n'y avait jamais de fumée sans feu. La jeune femme n'était pas apparu comme par enchantement. Elle avait dû travailler depuis longtemps sur son plan. Charmé le président, pour pouvoir le poignarder ensuite dans le dos et prendre le contrôle de l'armée Galbadienne. Tout cela dans le but d'effacer les Seeds de la planète. Je savais que la BGU n'était pas toute blanche, rien qu'avec la section dont faisait partie Aiden. Mais personne ne s'était posé la question de savoir ce que voulait Cydaée. Elle était simplement la méchante à éliminer. Et après ? Après il y aura surement encore une autre guerre. Des batailles sans fins, des milliers de vies supprimées simplement parce que personne n'était capable de taper du poing pour engager une discussion. Quand je disais que les humains étaient pires que des monstres, je n'avais pas tort.

Joris pouvait mal prendre la question que Léandre lui posait à cet instant mais ce dernier avait finalement changé d’avis et préférait prendre ce risque. S’il ne voulait vraiment pas en parler, le garçon aurait coupé court à la discussion ou aurait tout de suite changé de sujet. Enfin, ils pourraient toujours le faire par la suite de toute manière. Ce qui ne tarda pas puisque tout deux regardaient à présent le chat de la BGU où il était déjà relaté des rumeurs sur la relation qu’entretenait Joris et lui. De quelle relation parlaient-ils tous ? Les deux hommes ne s’étaient jamais adressé réellement la parole avant aujourd’hui. On ne peut apparemment plus venir donner un coup de main à un collègue sans que l’on invente des histoires sur vous. Quelle situation hilarante.



Jusqu’à présent, Léandre n’avait jamais vraiment fait attention à toutes ces histoires colportées dans les couloirs. Ce n’était pas maintenant que cela allait arriver. Bien sûr, il avait déjà entendu des choses sur d’autres Seeds ou cadets qui lui avait peut-être arraché un sourire sur le moment mais après il était vite passé à autre chose. Il s’avère que la vie de Seed était bien mouvementée et risquerait de l’être plus encore aux vues des récents évènements concernant Cydaée. Léandre pressentait que le Seed serait amené à participer à la guerre qui pointait à l’horizon même si Kramer ne voulait pas explicitement le mentionner. Et cela arriverait plus vite qu’on ne le pensait.



Quelque soit les raisons de cette sorcière pour agir aussi violemment, elle était également la seule a pouvoir décider de changer les choses. Agir différemment. Pourquoi ne pas commencer par une discussion ? Un Pour-parler dans le but de trouver la meilleure solution possible pour sauvegarder la paix sur le territoire. Ce serait un bon début.

Léandre m'avais prévenu, il était du genre à aller droit au but. Je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir sur ce trait, je n'étais pas du style à m'embarrasser des politesses et de la courtoisie envers les autres. Ce qui me valait quelques problèmes socialement mais je n'allai pas me plaindre de faire fuir les autres - surtout des personnes que je n'approuvais pas. Cela dit, je ne m'attendais pas à ce que mon interlocuteur me pose directement la question au sujet de mon frère. Généralement les gens évitaient ou se sentait gêné. Mais ce n'était pas le cas de Léandre. Je ne l'avais pas non plus cacher cela dit. A quoi ça servirait de toute façon ? C'était un fait que Cain était mort, je n'allai pas faire comme si il était encore en vie...

- Oui, il a disparu il y a 4 ans maintenant

Soufflais je avec tristesse. Ca pouvait paraître abusé qu'au bout de tant d'années je sois toujours aussi effondré mais j'étais beaucoup attaché à mon frère. Il me manquait énormément, encore plus quand j'aurai bien eu besoin de ses paroles réconfortantes ou de ses conseils.
Heureusement, les enfantillages de la BGU avait réussi à nous faire changer de sujet. Bon, certes c'était loin d'être de ceux que je préférais. Me retrouver au milieu de rumeurs ridicules même si je m'en fichais complètement. J'étais habitué au paparazzi de toute façon - et ils étaient moins tendres que mes collègues quand ils étaient en mode ragots. Léandre aussi semblait se moquer complètement aussi de ce qu'on pouvait bien dire sur lui. J'appréciai de plus en plus cet homme qui m'avais protégé. La vie de Seed n'étant cependant pas faite uniquement de ragots et compagnie. C'était un travail aussi à haut risque, qui nous obligeait à intervenir dans une guerre lancée par une sorcière. Personnellement je n'avais aucun désir de mort envers elle. Je ne cherchais pas non plus à lui donner d'excuse pour ce qu'elle avait fait - et enlever nos camarades pour les torturer. Mais en même temps, elle n'avait fait que nous rendre notre attaque.

- Je ne dis pas que ce qu'elle fait est bien...La violence n'a jamais rien résolu. Pourquoi crois tu que je reste les bras croisés quand on vient m'agresser ? Je sais pertinemment que ça ne les empêchera pas de continuer - et peut être même d'empirer les choses. Ton intervention les aura calmé deux-trois jours et puis ça sera reparti comme si tu n'avais jamais été là pour eux...

Ma façon de penser pouvait paraître étrange, voire complètement stupide mais j'avais grandi comme ça. Personne n'avait réussi à me faire changer mon état d'esprit là dessus. Il faut dire aussi que Cain avait été un super chevalier pendant toutes les années où j'avais été avec lui.

C’était donc ça. Joris avait un frère et ce dernier avait quitté la « terre des vivants » il y avait de cela 4 ans. Léandre pouvait comprendre que cela n’avait pas dû être facile pour lui après cela. Lui-même ne pouvait pas imaginer sa vie sans Freya. Elle n’était que sa sœur adoptive mais il l’avait vu grandir, il avait pris soin d’elle et il en était tombé amoureux. Quand une personne partage ta vie pendant des années depuis l’enfance, son départ s’apparente à quelque chose que l’on retirerait de soi, tel un organe vital. Cette pensée lui pinça le cœur et il adressa à son collègue un regard compatissant alors qu’ils échangeaient à présent sur ce qu’il se passait à Galbadia et la manière de procéder de Cydaée. L’analogie entre les imbéciles de la BGU et Cydaée était assez extrême selon Léandre mais il respectait le point de vue du jeune blondin. Ce dernier prônait la non-violence et c’était tout à son honneur. C’est alors que sans raison apparente, Joris tourna de l’œil et tomba à la renverse sur sa chaise. Léandre bondit de son siège et le rejoignit. Ce dernier venait de perdre connaissance. Priam vérifia son pouls et grâce à Hyne, son cœur battait encore. Il se retourna vers les voyeurs qui encore une fois ne pouvaient s’empêcher de jacasser :


Une jeune fille lui apporta ce qu’il avait demandé rapidement. Léandre l’a remercia poliment et trempa ses doigts dedans pour finir par asperger légèrement le visage de l’anémié. Joris semblait reprendre ses esprits peu à peu car il ouvrait les yeux.


Léandre l’aida à se redresser sur son siège et se dirigea vers le comptoir où il demanda une boisson énergisante à une employée. Cette dernière lui donna ce qu’il lui avait demandé et le jeune homme revint à sa table où il posa la canette sur le plateau de Joris après lui avoir ouvert. Il ne savait pas si son état était la conséquence d’avoir abordé le sujet de son frère mais le jeune garçon semblait affaibli tout d’un coup. Le mieux était donc de reprendre un peu d’énergie.


Puis un sourire s'afficha sur ses lèvres alors qu'il sortait de derrière son dos un autre muffin et qu'il posait à côté de la canette. Léandre avait bien vu l'engouement qu'avait eu le Seed lorsqu'il lui avait offert son gâteau tout à l'heure alors il savait que cela lui ferait plaisir d'en avoir un autre. C'était aussi une façon d'être sûr qu'il se remette vite de son malaise et que cela ne recommence pas dans l'immédiat.

Alors que j'étais en train de parler à Léandre à propos de Cydaée, je m'étais senti soudainement très faible. Ma vue avait commencé à se brouiller j'avais cligné des yeux plusieurs fois pour chasser ce problème. J'avais à peine le temps d'entendre Exodus s'inquiéter dans ma tête que tout d'un coup, s'était le noir complet. Je ne m'étais même pas rendu compte que j'étais tombé pitoyablement à la renverse en plein milieu de la cafétéria. Il fallait dire que mon manque de sommeil et la nourriture que j'avais presque pas avalé depuis le festival n'aidaient pas vraiment à être en forme. J'étais rapidement sortie de mon inconscience en sentant de l'eau sur mon visage. J'avais froncé les sourcils, essayant de dégager le malotrus qui m'embêtait.
La voix de Léandre me parvenait comme si il était à l'autre bout de la planète. J'avais mal au crâne, l'impression qu'on était en train de me marcher sur la tête. Il était cependant hors de question que je me plaigne, j'avais déjà bien assez fait le spectacle en tombant dans les pommes.

- Ca va...juste un petit coup de mou...

Grâce à l'aide du Seed, je reprenais place sur ma chaise. Je n'osai pas le regarder. Léandre devait penser que j'étais vraiment un être faible pour faire un malaise, comme ça, en public. La honte. Cette scène allait me poursuivre longtemps et je voyais déjà mes supers "amis" me charrier là dessus.

* Si tu m'avais écouté ça serait pas arrivé*
* Tais toi s'il te plaît, ta voix empire les choses*

Ce n'était pas méchamment que je disais ça. Mais j'avais déjà du mal à penser tout seul alors si en plus ma G-Force s'y mettait. Je ne savais pas où étais parti Léandre et triturait nerveusement mes mains. J'hésitais entre partir me cacher sous ma couette ou bien faire comme si rien ne s'était passé.

* Si tu bouges de ta chaise, je te promet que je te fait une tirade Joris*

Je soupirai face à la menace d'Exodus, qui ne me laissait donc pas le choix. Mon ainé était revenu et avait posé une boisson énergisante devant moi, avant de l'ouvrir. J'avais assez de force pour le faire moi-même !

- Euh...merci...

Mais ce n'était pas fini. Léandre avait sorti un muffin de derrière son dos, le posant à côté de la canette que j'avais regardé d'un air dubitatif. Mon intérêt s'était alors plus porté sur la pâtisserie qui avait toujours un effet positif sur moi. J'étais quand même un peu gêné de la gentillesse dont faisait preuve le Seed envers moi. Je n'étais pas vraiment habitué à ça de la part de mes collègues. Ce n'était pas de toute manière, comme si je l'étais moi aussi envers eux.

- Tu es vraiment...

Trop gentil ? Trop prévenant ? Je ne savais pas vraiment quel adjectif adopter pour décrire Léandre. J'aurai pu aussi dire bizarre ou étrange, mais ce genre de mot pouvait être mal perçu - et loin de moi était l'idée de vexer mon interlocuteur. Je soupirai à nouveau tout en murmurant pour moi-même :

- C'est embarrassant...

J'avais la gorge un peu sèche et mettait de côté mon appréhension sur cette boisson, que je n'avais jamais bu. J'avais vu d'autres en boire mais j'étais plus axés sur le lait à vrai dire. Mon bras me semblait peser dix kilos tandis que je le levais pour prendre la canette. J'étais obligé de la saisir de mes deux mains pour arrêter de trembler et ne pas prendre le risque qu'elle finisse par terre. Je buvais ensuite lentement une gorgée du liquide. Ce n'était pas mauvais. C'était sucré. Mais je préférais tout de même le muffin.

- Désolé pour tout ça...tu dois penser que les autres ont raisons...

Déclarais je avec un petit sourire fatigué après avoir reposé ma canette. Je m'emparais ensuite du muffin, que je commençais à picoré. Malgré tout l'amour que j'avais pour lui, je n'avais pas très faim. J'avais envie de dormir, de pleurer. Pleins de choses en même temps.

Un petit coup de mou. C’était le cas de le dire. Enfin, si ce n’était que passager, ce n’était pas grave. Heureusement, les symptômes se manifestaient maintenant. Si Joris avait été en mission, la situation se serait compliquée, se disait Léandre. A la BGU, il était plus ou moins en sécurité. Le Seed en face de lui semblait fuir son regard à chaque fois que leurs yeux se rencontraient, comme s’il avait honte de ce qu’il venait de se passer. Cependant, le muffin que Léandre lui avait apporté paraissait beaucoup plus l’intéresser que la boisson énergisante et semblait presque avoir un effet positif sur son état. Tant mieux. Léandre était rassuré. Du moment qu’il avalait quelque chose alors cela contribuerait à le maintenir en bonne forme. Cependant, la réaction de Joris le surpris :  



Léandre était gentil et bienveillant par nature mais il n’empêche que pour lui, l’entraide ne s’arrêtait pas aux missions partagées. Les Seeds étaient comme des frères d’armes maintenant pour lui alors ils devaient veiller les uns sur les autres. Quand l’un tombait, l’autre l’aidait à se relever et cela devrait être naturel d’agir ainsi. Malheureusement, il y avait encore beaucoup trop de rivalités ou de clans qui empêchaient une telle entente.  



Joris semblait vraiment fatigué. Peut-être que du repos lui ferait du bien mais il était surtout temps de l’éloigner des regards indiscrets qui pouvaient procurer plus de stress qu’il ne le fallait.  

Evidemment que c'était embarrassant de se faire secourir de cette façon. Du moins, de mon côté je m'en fichais mais ce n'était pas l'opinion de mes fans adorés. Pour eux, je devais être capable de me défendre tout seul et non compter sur une autre personne. Et encore moins une fille. Ils en étaient encore là avec leurs petits esprits. Quand je repensais à la leçon que Freya et Megara leur avait donné au festival, ça me faisait doucement sourire. J'étais loin d'être une personne qui jugeait qu'une fille était moins forte qu'un garçon. Au contraire même, je trouvais que leur tempérament pouvait être une sacrée arme.

- En mission, ce n'est pas pareil...vu qu'on est un groupe et qu'on est censé se soutenir

Je disais bien censé, parce que bon, honnêtement ce n'était pas quelque chose que je faisais automatiquement. Kramer m'avait beaucoup sermonné sur ce sujet et j'essayais de faire ce que je pouvais pour aider mes camarades. Mais à chaque fois il y avait cette petite voix dans ma tête qui me disait que mon intervention n'était pas utile et que je me fatiguerait pour rien. Alors je laissais faire les autres membres de l'équipe, qui ensuite sur le chemin du retour me criait dessus. Des paroles qui me passait par dessus la tête tellement j'avais l'habitude de les entendre. Il n'était donc pas étonnant au final que la majorité des Seeds me déteste ou ne voulait pas faire de missions avec moi.
Léandre faisait manifestement partie d'une minorité qui vivait dans son coin pour ne pas être au courant que j'étais le calvaire de la BGU. C'était en quelque sorte touchant, parce que c'était bien l'une des rares personnes à s'inquiéter pour mon état de santé. Même si c'était juste pour être en forme pour le travail. Après tout, on était rien du tout...

- Je vais très bien ! C'est juste...le discours de Kramer qui me turlupine

C'était un pur mensonge. Je n'avais jamais été bien depuis la disparition de Cain. Depuis quand datait la dernière fois que j'avais été heureux ? Impossible pour moi de penser à une réponse, ce qui voulait dire que ça faisait trop longtemps. Mais Léandre avait raison, je devais retourner dans ma chambre pour me reposer. C'était la faute d'Exodus si je m'étais trainé jusqu'ici. Je ne pouvais pas non plus dire au Seed que je faisais des cauchemars...je n'avais plus dix ans. Je doutais alors fortement que demain mon état allait être mieux. Mais Léandre faisait tellement d'effort pour me mettre à l'aise que je ne désirait pas le froisser en le contredisant.

- Tu as raison...quelques heures de sommeil me feront du bien...Mais tu n'es pas obligé de...Il vaut sans doute mieux si jamais je fais un malaise, oui

J'avais été prêt à lui dire qu'il n'avait pas besoin de me raccompagner mais en voyant son regard, je m'étais maladroitement rattrapé. Je finissais donc mon muffins avant de me redresser. Je tanguais un peu deux secondes, mes jambes étaient affreusement molles. C'était donc d'une démarche mal assuré que je sortais de la cafétéria. Instantanément, je me sentais plus détendu en ne sentant plus les regards de mes camarades sur moi. Ni la présence de mes bourreaux.

- Comment tu es devenu un rang A ?

Demandais je après un long moment de silence à marcher dans le couloir, à la vitesse d'un escargot à cause de moi. Je savais qu'il fallait réaliser quelque chose d'incroyable pour accéder à ce statut. J'étais donc un peu curieux de savoir ce qu'avait fait Léandre pour y accéder.

Léandre fronçait les sourcils aux propos de son collègue. Il n’était pas tout à fait d’accord avec lui. L’entraide c’était dans toutes les situations pour le Seed de rang A. Bien sûr, en mission, ils étaient censés faire preuve d’esprit d’équipe mais être Seed ne voulait pas dire être infaillible. Et justement si ce n’était peut-être pas dans sa nature alors cela se ressentirait en mission. Joris devait bien le savoir lui-même puisqu’il avait des difficultés avec cela. Léandre était au courant de ce qu’on pouvait dire sur lui mais les « bruits de couloir » n’était pas sa « tasse de café ». Pour lui, il n’y avait rien de mieux que discuter avec les gens si on voulait pouvoir les cerner et les comprendre.


Joris semblait déterminé à lui faire comprendre qu’il allait bien. Il détourna la conversation sur le discours de Kramer prononcés l’avant-veille. Les propos du Directeur avait l’air de beaucoup le travailler. Etait-ce au point de l’empêcher de dormir ? Voilà peut-être d’où pouvait provenir sa grande fatigue. Cependant, Léandre fronça de nouveau les sourcils mais plus pour montrer son étonnement à présent. Il lui conseilla quand même d’aller se reposer et se proposa pour l’accompagner jusqu’à son antre personnelle, histoire qu’il ne lui arrive rien sur le chemin. Joris sembla accepter sa suggestion mais hésita à le laisser l’escorter. Léandre le regarda alors avec insistance. Finalement, le jeune Seed cèda rapidement. Sage décision, se disait Léandre. On dirait qu’il avait fait des progrès en technique de persuasion. Ca avait été plus facile qu’il ne le pensait.


Lui demanda-t-il en définitive pendant que Joris terminait son muffin. Ce qui lui fit penser qu’il n’avait lui-même pas terminé sa tasse de café. Un café qui était à présent plus que froid et donc pas très savoureux. Sa langue en garderait un mauvais souvenir pour toute la journée, c’était sûr. Lorsque Joris eut fini, il se leva. Léandre rassembla les éléments de chaque plateau dans le sien et l’imita. Tous les deux se dirigèrent vers la sortie. A un moment, Joris manqua de perdre l’équilibre mais ce dernier se reprit immédiatement. Il avait l’air de subitement regagner en assurance à mesure qu’ils approchaient les portes de la cafétéria. Etait-ce le fait de sortir du lieu qui lui faisait ça ? Après une marche silencieuse dans le couloir, Joris rompit le silence et l’interrogea sur sa nomination au rang A. Léandre savait que ce titre attisait la curiosité des cadets et certains de ses collègues. Il répondit simplement :


Bien sûr que Cid Kramer ne s’était pas appuyés que sur les éloges que lui avait compté le commanditaire de la mission. Cette dernière n’avait pas été une mince affaire et il le savait. Il s’était retrouvé seul contre plusieurs hommes armés et formés au combat mais il était arrivé à bout d’eux grâce à ses compétences en combat rapprochés. La dangerosité de la mission, le risque de perdre les filles chéries du haut dignitaire et la position de ce dernier avaient sûrement pesés sur la balance quant au décernement de son rang spécial.

Ma façon de penser était très loin d'être la même que celle de mes collègues. J'étais plutôt du genre à vouloir me débrouiller tout seul, ne demander de l'aide à personne. Sinon, je supposais que ça ferait longtemps que je serai aller voir Kramer pour parler des idiots qui s'amusaient à me martyriser. C'était peut être des gros bras, des seeds qu'on avait besoin pour donner une droite à un monstre, mais à mes yeux, ce n'était que des déchets de la société. L'esprit d'équipe n'était donc pas vraiment ancré dans mon esprit, bien que ça m'avait plu de combattre avec Sithmaith dans l'espèce de vieux temple. A nous deux on avait réussi à vaincre le golem.

- Vous vivez beaucoup ici, moi je fais au maximum pour passer ma vie ailleurs

Ou au moins mes nuits. Je dormais bien mieux avec Paul que tout seul dans ma chambre. Ses bras éloignaient mes cauchemars, pour une raison que j'ignorais. Je n'avais pas cherché à comprendre pourquoi, et quel en serait l'intérêt de toute manière. Si ça me permettait d'avoir une nuit complète, je n'allai pas m'en plaindre. J'avais aussi la chance de pouvoir squatter l'appartement du paysagiste sans qu'il ne me demande rien en retour. Même pas un petit loyer, alors que j'aurai pu lui donner sans soucis. Ce n'était pas l'argent qui me manquait.

Léandre m'avait ensuite proposé de retourner dans ma chambre me reposer. Je doutais de pouvoir dormir mais bon...Et en plus je ne voulais pas embêter mon interlocuteur. Ce dernier m'avait cependant lancé un regard qui appelait à aucune discussion. J'avais donc été obligé d'accepter. Je tenais tout de même à lui faire savoir que j'allai bien - même si c'était faux. Juste les paroles du directeur lors du festival qui me travaillait.

- Je sais pas...j'ai l'impression de m'être fait berné, que mon frère est mort pour quelque chose qui n'existait même pas...Il voulait être Seed pour me protéger pas pour combattre des sorcières...

Expliquais je d'un ton amer. Kramer pouvait bien me disputer autant qu'il voulait sur mes actions en mission, lui, il nous avait tous menti durant des années concernant le véritable but de la BGU. Comme un con, j'étais pourtant toujours là, parce que je savais au fond de moi que Cain serait resté, pour empêcher la destruction du monde. Et même si il n'était plus là, j'étais toujours à le suivre, lui et ses idées. Je soupirai, suivant Léandre à l'extérieur de la cafétéria. Quittant avec joie cette pièce de l'enfer. Je détestais vraiment cet endroit et avait donc appris à manger ailleurs ou à tout simplement sauter les repas. Ceux de Paul étaient de toute manière bien meilleure. Ca ne se voyait pas, mais j'avais pris un peu de poids depuis que j'avais découvert sa cuisine.

- Ah ouais...Tu as donc en quelque sorte empêcher une quelconque guerre

Songeais je à voix haute. C'était tant mieux d'avoir pu épargner des vies ainsi. Faire couler le sang avec des batailles, ne m'avait jamais plu, et je ne comprenais pas comment on pouvait en venir à de telles extrêmes. Cain serait surement un rang A aussi. Il avait tellement l'âme héroïque. Un peu trop vu comment sa vie s'était terminé. Il avait pris trop à cœur son entrainement.

Joris avait semble-t-il décidé de vivre le plus clair de son temps libre en dehors de la BGU. Léandre pouvait comprendre son choix et n’insista pas sur cette voie. Il interrogea plutôt Joris sur les raisons qu’il avait et qui le faisait douter dans les propos du Directeur Kramer. Joris lui répondit avec honnêteté même si c’était sur un ton amer et se confia sur son sentiment de trahison.  


Léandre voulait se convaincre que c’était possible d’y arriver mais il ne pouvait s’empêcher de douter un peu. A l’heure d’aujourd’hui, l’ensemble du SEED n’était pas en mesure de vaincre la Sorcière mais il fallait garder espoir car c’était dans l’espoir que l’on puisait sa force. Il déposa une main amicale sur l’épaule du garçon pour tenter de le rassurer sur l’avenir puis Joris s’intéressa à son parcours professionnel et particulièrement à la manière dont il avait obtenu son fameux « Rang A ». Léandre répondit naturellement à sa question sans lui donner trop de détails. Les missions avaient leur part de confidentialité et chaque Seed savait qu’il devait la respecter. Il alla à l’essentiel.


Lui répondit-il avec un clin d’œil complice. Une mission qui avait valu à Kramer d’avoir de nouveaux investisseurs. Le Haut Dignitaire avait été très bavards sur les éloges de l’Organisation à ses partenaires. Ces derniers avaient d’ailleurs pour certains décidé de soutenir le SEED et ses actions. Les deux mercenaires étaient maintenant arrivés à destination devant la chambre de Joris. Léandre se tourna alors vers son collègue :


Un sourire s’afficha sur les lèvres de Léandre alors qu’il tentait de faire comprendre à son camarade qu’il le taquinait. Joris faisait ce qu’il voulait après tout. S’il voulait se morfondre sur son propre sort alors il était libre de le faire même si pour Léandre cela ne serait pas moteur pour lui. Il espérait quand même revoir Joris dans des circonstances plus joyeuses même si ce n’était pas sûr vu comment évoluaient les choses dans leur monde.

Même si Kramer avait cru bien faire en nous cachant la vérité sur la création de la BGU, je pensais tout de même que la majorité des Seeds étaient venus là sans vraiment penser, qu'un jour, le directeur allait annoncer la véritable cause qui se cachait derrière les entrainements qu'ils ont eu depuis des années. Moi, le premier d'ailleurs. J'étais très loin d'avoir la puissance nécessaire pour combattre une sorcière, surtout du gabarit de Cydaée. J'avais certes quelques pulsions un peu suicidaire mais pas au point de me jeter sans réfléchir dans une bataille qui était de toute évidence perdue d'avance. Kramer avait peut être prévu le coup pour ne pas prendre de risque, mais il aurait dû mieux choisir ses combattants. Les cadets étaient loin d'être prêts, et puis honnêtement, à leur place vu tout ce qui s'était passé, j'aurai démissionné de la BGU. Aussi incroyable que cela puisse paraître j'étais toujours présent, car je ne comptais pas laisser quiconque faire du mal aux personnes à qui je tenais. Même si ils étaient capable de se défendre tous seul, sauf Paul & Pauris bien évidemment. L'un n'était qu'un simple paysagiste et l'autre un chaton sans défense.

- Je pense tout de même qu'il aurait pu nous dévoiler ses secrets bien avant, avant que tout ne soit plus que pleurs et douleurs...

Je pensais notamment à nos confrères qui s'étaient fait emprisonner alors qu'ils étaient partis en mission d'assassinat. Le pire restait surement à venir, car la sorcière n'allait surement pas rester les bras croisés après ce coup là. Tôt ou tard, elle allait agir, le jour où l'on s'y attendrait le moins. Et ce jour là, nous tous, on aurait que nos yeux pour pleurer.

Heureusement, la BGU ne comptait pas que des missions échouées, Léandre en était une jolie preuve vu le statut qu'il avait acquis suite à l'une d'entre elle. J'étais curieux d'en connaître plus sur cette histoire et peut être aussi sur mon nouveau sauveur. Ce n'était pas tout le monde après tout qui se mêlait de mes problèmes sociaux.

- Ca aurait pu créer un accident diplomatique, au moins

Grâce au jeune homme, tout un grabuge avait pu être évité. Moi aussi peut être qu'un jour je ferai parti d'un grand évènement. Mais j'étais bien trop feignant pour ça et n'avait pas vraiment à cœur de régler le problème des autres. Il fallait surtout que je travaille pour l'instant sur mes implications en mission. Arrêter surtout d'écouter cette voix dans ma tête qui me soufflait que m'asseoir sur un rocher était mieux que d'aller filer un coup de main aux autres pour remplir la mission plus facilement. Une G-force pouvait avoir beaucoup d'influence mine de rien. La preuve, elle avait réussi à me faire sortir de ma chambre ce matin pour que j'aille grignoter quelque chose. J'étais d'ailleurs arrivé devant ma grotte. Je tentais de lui sourire pour le remercier, mais il était plus fatigué qu'autre chose.

- J'ai toujours des pensées négatives

Rétorquais je avant d'ouvrir la porte de ma chambre pour m'y faufiler à l'intérieur. Il ne me restait plus qu'à aller faire ma limace sous ma couette, en attendant qu'une journée plus "joyeuse" se lève.