Alone Together | Joris

Il n’était à présent plus question d’anonymat. Si ma rencontre avec cette incroyable amazone rousse hier avait été un véritable plaisir pour les yeux, il n’en restait pas moins qu’à présent, tout le monde savait que j’étais à la Balamb Garden University. Fini la perruque rousse et les tenues passe-partout. Quitte à être découverte, autant faire les choses en grand et laisser à cet établissement un souvenir impérissable.

C’était donc parée de mes boucles blondes, de mon plus beau sourire et d’une petite robe blanche aux fleurs éclatantes que je me rendais dans le bureau de Cid Kramer. Le bruit décidé de mes hauts talons cliquetait sur le sol tandis que je revoyais mon plan de bataille. Je finissais toujours par obtenir ce que je voulais. Personne ne pouvait me résister et le Directeur ne ferait pas exception.


La discussion s’était passée comme prévue. J’avais assené le coup de grâce avec mon ultimatum et avait quitté le bureau en claquant la porte d’un air royal sans un regard en arrière. J’imaginais déjà l’air consterné du Directeur, son verre de scotch à la main. Il était allé se le servir dès que j’avais prononcé les mots « C’est Mateusz que je veux ». A croire que le directeur regrettait de ne pas l’avoir caché pendant ma visite. Il avait même voulu savoir où diable j’avais bien pu le rencontrer. Sa tête lorsqu’il avait compris que le SEED m’avait servi de guide était impayable. Un mélange de surprise et d’agacement profond. Il ne le savait pas, mais j’avais déjà gagné. La BGU avait trop besoin de financement. Surtout par les temps qui courraient.

C’était donc d’humeur charmante que je me dirigeais vers la cafétéria sous le regard ébahi des cadets qui avaient dégainés leurs téléphones portables pour immortaliser ma présence. Tout cela sonnait la fin très proche de mon séjour ici. Enfin, tant que la BGU respectait son contrat visant à me protéger, c’était sans doute en ses murs que j’étais le plus en sécurité. Kramer m’avait assuré que suite à « l’incident » d’hier, des mesures avaient été prises pour limiter les allées et venues ainsi qu’un contrôle plus strict du personnel. Pourquoi tout cela n’était pas déjà en place avant, c’était ça qui me dépassait vraiment mais soit.

Une fois arrivée dans la cafétéria, j’attrapais rapidement une pomme sur un plateau afin de scanner rapidement les alentours. Un type un peu trop sûr de lui me fit un clin d’œil que j’ignorais superbement en tournant la tête d’un mouvement dédaigneux dans la direction opposée. C’est là que j’aperçus une silhouette familière. Cette journée était décidément bien partie. Sans faire preuve de la moindre discrétion je ne pu me retenir de lâcher un tonitruant :

« Joris ! »

Sous le regard médusé d’un groupe de mâles alphas aux pectoraux de la taille de troncs d’arbres, je m’empressais de rejoindre le mannequin avant de lui claquer une bise sur la joue et de me poser sans autre forme de procès sur la chaise en face de la sienne. Le fixant de mes yeux verts, la tête légèrement penchée sur le côté, je soupirais.

« Cet endroit est vraiment étrange. »

Autour de nous, les conversations c’était tues et je n’appréciais pas particulièrement d’être épiée comme un animal de foire. Je croquais donc avidement dans mon fruit avant de fixer à mon tour les importuns les plus insistants qui finirent par détourner les yeux et retourner à leurs occupations.

   

Mais qu'est ce que je faisais là ? C'était la question que je n'avais cessé de me poser depuis que j'étais assis au fond de la cafétéria. Qu'est ce qui m'avait pris de mettre les pieds dans ce lieu infâme ? Remplis d'individus aussi inutiles les uns que les autres. Leurs discussions, qui pouvaient s'entendre de dehors tellement ils étaient sourds, me vrillaient les tympans. Les regards que certains me lançaient, finissait par m'agacer même si j'en avais l'habitude. Le fait était que je n'avais pas eu envie de passer la journée dans ma chambre, que la bibliothèque était remplie par des cadets excités par l'arrivée de leur examen. Et j'avais la flemme de sortir. Donc, il ne restait plus que la cafétéria, à mon plus grand regret.

Au moins, je trouvais un peu de réconfort dans les fraises que j'avais amené avec moi. C'était mon fruit préféré, pourquoi s'en priver ? De toute façon personne ne viendrait me déranger. Du moins c'était ce que je pensais jusqu'à ce que j'entende mon nom hurler haut et fort.

J'avais redressé la tête, tout juste le temps de voir une tornade blonde me foncer dessus et m'embrasser sur la joue. Je me figeais quelques secondes, le temps de bien assimiler ce qui venait de se passer. Je m'essuyai la joue avec ma manche, regardant la personne qui avait osé me toucher aussi violemment. Aileen savait pourtant que je détestais les contacts physiques. D'autant plus que son arrivée tonitruante vers moi, n'était pas du tout passé inaperçu. Tout ces regards me mettaient mal à l'aise, bien qu'ils étaient surtout destiné à la blonde.

- Qu'est ce que tu fais là ?

C'était une soi disante chanteuse. Elle n'était pas censé faire des tournées, enregistrer un album ? Pourquoi était elle à la BGU ? Ce n'était pas que je n'aimais pas Aileen, mais elle était spéciale. Depuis que j'avais fait sa connaissance pour un photoshoot jusqu'à aujourd'hui. A vrai dire, cela faisait longtemps que je ne l'avais pas croisé, à part sur des affiches ou à la télévision. Alors l'entendre caractériser cet endroit d'étrange, venant d'elle, c'était assez drôle.

- Kramer t'a embauché pour distraire les humains en manque de berceuse ?

Plaisantais je tout en portant une fraise à ma bouche.

J’avais parfaitement conscience que Joris n’appréciait pas plus que ça les contacts physiques. Mais, si je voulais éviter que tous les hurluberlus de la BGU décident qu’il était possible de venir m’aborder, je devais poser dès le départ que Joris avait un statut spécial. La bise était pour ça. Et aussi parce que c’était drôle. Bon, il s’était essuyé la joue comme si c’était la chose la plus répugnante qui soit mais au moins sa réaction était restée mesurée. Tant mieux, les gens auraient de quoi jaser et me laisseraient peut être poursuivre ma conversation en paix.

« Je suis là pour affaire. »

J’étais restée volontairement vague. J’aimais laisser planer le mystère et je voulais désintéresser toute éventuelle oreille indiscrète. Joris continuait la conversation en me demandant ce si Kramer m’avait engagé. Je laissais échapper un petit rire. Kramer n’était pas sur le point de m’engager. A vrai dire, il avait plutôt hâte de se débarrasser de moi. Piquant une fraise à Joris, je me rapprochais un peu (tout en lui laissant son espace vital) afin de ne pas être entendue des tables alentours.

« En fait, c’est plutôt moi qui ai engagé le SEED. Je ne sais pas si tu l’as lu mais on a essayé de me tirer dessus il n’y a pas longtemps. Ma maison de disque est terrorisée alors ils m’imposent un garde du corps. Les meilleurs ont démissionné. Pas capable de me suivre. Du coup me voilà. Ca fait quinze jours que je suis incognito à la BGU mais j’ai été découverte par une jolie rousse hier. »

J’étais plutôt contente de ne pas avoir à me cacher. Mais me retrouver à cohabiter avec des fans étaient une nouveauté à laquelle il m’était difficile de m’habituer. Heureusement, la plupart d’entre eux réclamaient juste une photo, un autographe et éventuellement une étreinte avant de me laisser continuer ma route.

J’avais eu vent du projet de Cain et de Joris de rejoindre le SEED. Cain ne parlait que de ça avant… Avant la tragédie. Je n’avais pas su que Joris avait continué ce projet. Sans doute pour réaliser le rêve de son frère.

« Alors comme ça… Un SEED hein ? Waouh. C’est étrange de t’imaginer en mercenaire. Ce serait dommage d’abimer un si beau visage. »

Mon regard se perdit quelques instants tandis que je repensais à Cain. Il faisait partie des rares personnes que j’ai jamais considérées comme un ami. Il était comme un soleil. C’était impossible de ne pas l’aimer. Joris était plus discret, l’esprit en permanence en action. Il était plus difficile à appréhender mais c’était aussi ça qui le rendait plus intéressant que le commun des mortels. J’aurais pu lui offrir un ‘il aurait été fier de toi’ mais au fond je n’en savais rien et les paroles réconfortantes n’était pas ce que je faisais de mieux. Tout comme parler des disparus. J’avais préféré la froide planification de ma vengeance à toute tentative de discussion pour faire mon deuil.
   

Est ce que les autres allaient penser qu'il y avait quelque chose entre Aileen et moi ? Erk. Il ne manquerait plus que cela. Je n'avais aucune envie de me retrouver à la une de ces torchons de magazine. Surtout pour un truc faux. La seule raison pour laquelle on pouvait me voir dans des journaux peoples c'était simplement une page afin de promouvoir la marque Wilder. Je jetai un œil sur les personnes présentes, certaines qui chuchotaient entre elles en nous regardant, et pas mal de garçons qui ne cachaient pas leur jalousie. A cause d'Aileen, j'allai sans doute mal finir cette semaine. J'avais intérêt à rester cloitré dans ma chambre, le temps que ces humains en manque de sexe ait oublié cette épisode. Pourquoi j'étais venu à la cafétéria ? Pourquoi pas dans un lieu, où personne n'allait...comme le balcon ? Et puis qu'est ce qu'elle faisait là, elle ? Pour affaire. C'était très précis. Merci beaucoup de la réponse, j'étais très avancé. Je faisais claquer ma langue sur mon palais.

- Bien sur que tu es là pour affaire, Kramer ne t'a pas demandé de lui chanter une chanson dans son bureau

Je fronçait les sourcils en la voyant me piquer une fraise. C'était MES fraises. Elle n'avait vraiment aucunes bonnes manières. Déjà elle était arrivé en me fonçant dessus, violant ma joue et maintenant elle me volait mes biens. Aileen s'était rapproché de moi, et j'avais légèrement reculé en la voyant faire. On ne savait jamais, des fois qu'elle ait envie de me violer autre chose. Bon c'était en fait surtout pour ne pas que le public puisse entendre ce qu'elle venait de me dire. Je ne savais à vrai rien dire, pas grand chose de la vie et de l'actualité d'Aileen. Déjà parce que cela ne m'intéressait pas. Et que je ne pensais pas que l'on pouvait qualifier la fameuse Loveless comme une chanteuse. Sa musique ne me faisait aucun effet. J'étais surement pas assez commun pour comprendre les émotions qu'elle cherchait à faire passer à travers ses chansons.

- Et donc, tu as jeté ton dévolu sur qui ? Qui est ce que je dois plaindre

Il n'était pas étonnant que quelqu'un ait fini par la démasquer. Le plus surprenant était qu'ils aient mis autant de temps pour le faire. Si ça avait été moi, si j'avais croisé Aileen dans les couloirs sans nulle doute que le jeu aurait été terminé rapidement. Mais comme je faisais de mon mieux pour ne pas trainer dans la BGU.

- C'est un avantage, de ne pas penser que j'en suis un en me voyant. En général je dis que je suis mannequin.

C'était tout de même assez surréaliste la vision que les gens avaient sur les Seeds. Ils s'attendaient tous à voir des hommes super musclés. Sauf que ce n'était pas du tout le cas. La BGU était remplis de diversité, et j'étais le premier d'une longue liste.

- Et en te baladant pendant quinze jours, tu as bien du remarquer que je n'étais pas le seul à posséder un joli minois...notamment la jolie rousse qui t'a apparemment marqué

Bien sur la beauté était un élément subjectif. Mais il y avait des visages que l'on ne pouvait pas classifier de laid, peu importe le point de vue. Le mien par exemple. Ou celui de n'importe quel autre mannequin. Si on était élu pour représenter quelque chose, d'être affiché à la vue de tous, c'était qu'on était susceptible de plaire à tout le monde. A un large public. En d'autres termes, j'étais beau et je le savais. Je m'en vantais pas ouvertement, de toute façon j'avais suffisamment d'envieux autour de moi pour nourrir mon petit orgueil.

Contrairement à son frère, Joris n’avait jamais été d’un abord facile. Et je n’étais pas vraiment du genre à faire d’efforts. Avec n’importe qui d’autre, j’aurais tourné les talons avant de partir. Mais Cain avait été mon ami. Le seul à vrai dire. Aussi, je dépassais mon absence de patience habituelle. Et puis, parfois, Joris savait se rendre intéressant. Une part de moi, que je n’assumais pas vraiment, le faisait aussi par culpabilité. J’avais encouragé Cain dans sa lubie de futur SEED, combattant de l’extrême. J’étais depuis persuadée que tous ceux qui m’approchaient de trop prêt finissaient par en payer le prix. J’avais donc évité avec soin de développer toute relation amicale ou amoureuse (rien que le mot me donnait doucettement envie de m’esclaffer). Amare est delere, comme me le rappelait judicieusement le canon de mon arme où cette inscription était gravée.

Ma réponse vague semblait avoir agacé Joris. Mais au moins, il communiquait ce qui n’était pas si mal venant de lui.

« Oh, il aurait presque préféré si ça avait pu m’empêcher de parler. »

Joris me demandait maintenant sur qui j’avais bien pu jeter mon dévolu afin d’assurer ma protection. Comme si cette tâche était la plus ingrate qui soit. Je n’étais tout de même pas d’une compagnie si désagréable ! A l’époque où je faisais des rencontres avec mes fans (ce n’était malheureusement plus d’actualité), les gens se battaient afin de passer du temps avec moi. Enfin moi… avec LOVELESS. D’Aileen ils n’en auraient sans doute rien eu à faire et c’était très bien comme ça.

« Tu dis ça comme si c’était l’horreur suprême de passer du temps avec moi. »

Je faisais faussement la moue pour illustrer mon propos mais j’abandonnais rapidement ce jeu. Lâchant un nom avec un sourire carnassier. Le genre qu’on pouvait associer à l’image d’un chat ayant repéré une souris bien dodue.

« Mateusz Prescott. Un sacré spécimen. »

Je conservais mon sourire inquiétant quelques secondes avant de redevenir sérieuse.

« Mais Kramer n’a pas été très réceptif à ma demande. Je me demande bien pourquoi… »

En fait pas vraiment, mais c’était plus une façon de parler qu’autre chose. Petit à petit, la conversation fini par dériver sir Joris et le SEED. Il ne m’enlèverait pas de la tête qu’il détonnait furieusement à la BGU mais si être ici lui plaisait, grand bien lui fasse. Ce n’était pas que je voyais les SEED comme des bodybuldés. C’était juste lui que j’avais du mal à imaginer en mercenaire. C’était une princesse après tout. Franchement, quel conte de fée mettait en scène une princesse mercenaire ?

« En général, j’ai plutôt tendance à éviter les gens trop beaux. Ou plutôt, je les fuis comme la peste. »

Je ne développais pas. Il ne pourrait pas comprendre à quel point la beauté pouvait rendre les gens mauvais et vicieux quand ils en usaient comme d’une arme de persuasion. Quand leur simple visage leur ouvrait toutes les portes. Quant à la jolie rousse, c’était différent. Elle dégageait quelque chose de pur qui compensait le reste. Même si on voyait en elle une guerrière si l’on savait où regarder. C’était une vraie amazone !

Imaginer la tête de Kramer face à l'obstination d'Aileen était assez drôle. Il fallait avouer que la chanteuse n'avait pas vraiment la langue dans sa poche et que lorsqu'elle voulait quelque chose, elle n'abandonnait jamais. Elle se moquait bien d'ailleurs de l'avis des autres. Sinon elle ne m'aurait pas sauter dessus comme une grosse nymphomane. Il n'y avait vraiment qu'elle pour entrer ainsi dans l'intimité des gens sans frapper à la porte. Heureusement que je savais qu'elle n'était pas méchante au fond, et que par pure fraternité je ne l'avais pas laissé toute seule comme une idiote dans la cafétéria. Quoique, en y songeant, cela lui aurait fait les pieds. En tout les cas, le fait que je plaignais le Seed qui allait devoir veiller sur elle n'était pas un mensonge. On avait passé que quelques heures ensemble il y avait longtemps, et cela m'avait bien suffit.

- Manifestement, c'est le cas si tes autres gardes du corps ont démissionné non ?

Je n'irai pas jusqu'à dire que sa compagnie était une horreur. Il y avait bien pire. Aileen avait au moins un cerveau. Tordu, surement mais bien présent. Du moins c'était ce que je pensais jusqu'à entendre le nom de l'autre excité. J'en avais même suspendu mon geste que j'avais commencé pour prendre une fraise. Entre elle et lui, ça allait être explosif. Rien que le sourire machiavélique sur ses lèvres promettait de belles choses. Finalement, est ce que je devais plutôt plaindre Prescott ?

- Pourquoi ? Il a un égo surdimensionné, une mauvaise foi insupportable et il s'excite pour un rien...on a passé l'examen ensemble et il n'a fait que me crier dessus alors que je n'avais rien fait. Cet abruti est ensuite allé tout seul se battre et il s'est fait recaler...Il a quand même trouver le moyen de m'accuser de son échec

Racontais je en secouant la tête de temps à autre d'un air dépité. Ce type était décourageant. Je me demandais bien pourquoi Aileen l'avait choisi. Ce n'était pas comme si la BGU ne manquait pas de Seed plus utile que Prescott. Des hommes ou des femmes qui seraient ravis de protéger la vie d'une célébrité. Mais je supposais que celle-ci avait simplement décidé, tel un enfant, de prendre un jouet qui lui paraissait le plus intéressant. Et ce n'était manifestement pas la jolie rousse qu'elle avait évoqué. Un sourire amusé venait légèrement étire mes lèvres en l'entendant dire qu'elle s'efforçait d'éviter les gens trop beaux.

- Oh, donc je ne suis pas trop beau pour toi ?

Demandais je en faisant un regard de chien battu. Ce regard que j'avais longtemps fait à mon frère, quand il devait quitter ma chambre à la Trabia Garden pour rejoindre la sienne. Ou pour aller retrouver sa petite amie.
Je ne comprenais pas pourquoi Aileen fuyait la beauté. Cependant, je n'étais pas outré de ne pas en faire partie à ses yeux. Il était vrai que l'on me qualifiait plus de mignon que de beau. Surement dû à mon côté féminin qui ressortait malgré moi, bien qu'en vérité je ne faisais pas grand chose pour me rendre plus masculin non plus. Je m'aimais comme j'étais de toute façon.

Ah… Oui… Mes autres gardes du corps . Parlons-en. Il y en avait de deux types. Le type pseudo militaire, le dos toujours droit, les épaules carrées et des directives plus ubuesques les unes que les autres. Du genre : ne pas sortir, porter des baskets pour pouvoir fuir rapidement (est-ce que j’ai une tête à me balader sans talons ?), me couper les cheveux pour passer plus inaperçue ou encore, la plus grotesque, arrêter les tournées. Aucune de ces solutions n’était envisageable. A choisir, je préférais mourir par balle que périr d’ennui. Ma musique et ma vengeance avaient toujours été mes grandes aspirations dans la vie. J’avais accompli la première, restait à faire chuter Hunter et sa petite clique de criminels. Il affirmait avoir placé un contrat sur ma tête. Effectivement, c’était bien son genre mais depuis cet odieux message, j’avais eu le temps de réfléchir. Il voulait le carnet de mon père. Celui contenant la liste de tous ses commanditaires et victimes. C’était un moyen de pression considérable, sur lui, mais aussi sur des personnes très puissantes. Il le voulait et s’il me faisait tuer, jamais il ne pourrait mettre la moins dessus. Et encore moins le décrypter. Ainsi, si contrat il y avait, ce ne serait pas pour me tuer. Pas dans un premier temps en tout cas. M’enlever peut être mais c’était beaucoup plus difficile à mettre en œuvre. Voilà pourquoi je savais qu’annuler les concerts était inutile. Je ne serais jamais autant à l’abri que sur une scène devant tout un public.

Mais recentrons-nous. Le deuxième type de garde du corps. Les chiens fous. Ceux qui aiment l’adrénaline mais sont trop bêtes pour faire la part des choses. Souvent jeunes, avec un physique agréable et un égo boosté aux stéroïdes. Ils passaient plus de temps à me reluquer qu’à faire leur boulot. Alors je poussais mon côté diva exaspérante à son maximum pour les pousser à la démission. Froissant leur fierté toute masculine au passage. C’était divertissant mais pas assez. On s’en lassait vite. C’est un défi qu’il me fallait. Et Mateusz Prescott était un défi à ma mesure.

« C’était des coincés ou des imbéciles. Inintéressants. »

Tandis que je dévoilais le nom de ma future victime, le pauvre Joris arborait un air absolument choqué. C’était quoi leur problème à Kramer et lui ? On aurait dit que je leur annonçais un cataclysme imminent avec pluie de sauterelles et épidémies mortelles. C’était franchement vexant. Mateusz devrait franchement changer de crèmerie si c’était comme ça qu’on accueillait son nom par ici. J’allais peut être le garder finalement. Bonne idée tiens ! J’allais demander un nouveau contrat. Au nom de Mateusz. Sait on jamais, si jamais il décidait de quitter la BGU je ne voulais pas devoir me coltiner un autre garde du corps. Si Kramer me donnait son accord (et il le ferait), il serait lié à moi qu'il le veuille ou non.

« Je l’aime bien pourtant. Il a l’air presque aussi tordu que moi. C’est rare. Je t’accorde qu’il a un caractère insupportable mais c’est plutôt divertissant. Alors comme ça, vous avez passé votre examen ensemble… J’aurais bien voulu voir ça. Mais tant qu’à confier ma vie à quelqu’un, le fait qu’il tolère aussi mal l’échec plaide plutôt en sa faveur non ? »

La suite de la conversation pris une autre tournure tandis que nous parlions du concept de beauté. J'avais un point de vue très personnel sur la question qui était loin d'être la norme. Ma réflexion sur la beauté aurait pu vexer n’importe qui d’autre que Joris mais heureusement pour moi, il était suffisamment intelligent pour savoir que je ne le visais pas en disant cela. Je lui rendais donc son sourire. Un de mes rares sourires authentiques. Ni provoquant, ni faux. Juste un petit sourire qui me faisait paraitre plus jeune que mes vingt-six ans  et qui se prolongea par un petit rire face à sa tête de chien battu. Il savait se rendre attendrissant quand il le voulait. Dans ces cas-là, il ressemblait tellement à Cain.

« Bien sûr que si, objectivement tu es très beau. J’ai juste… des goûts atypiques on va dire. La beauté pure m’a trop brûlé les ailes. »

Et j’en avais déjà trop dit. C’est fou comme cet établissement me poussait aux confidences. Peut-être parce qu’il m’était moins  nécessaire de jouer. Ou peut-être qu’au milieu de tous ces gens plus toqués les uns que les autres, je me sentais presque à ma place.
   

J'avais envie de dire que la majorité des humains étaient ainsi. Inintéressants. On était pas beaucoup aidé il fallait le dire pour vivre dans ce monde. Entre les abrutis, les violents et les pervers. Aileen était aussi effaré que moi par ce qui nous entouraient. C'était bien le seul point commun que l'on pouvait partager elle et moi.

- Bienvenue dans ce monde

Aileen ne semblait pas avoir encore suffisamment côtoyer Mateusz pour s'apercevoir que c'était un imbécile. Est ce que je devais la prévenir maintenant ou la laisser se rendre compte que le Seed ne valait pas mieux que ses anciens gardes du corps ? Ou peut être que regarder comment les choses allaient se passer serait drôle. Les deux n'étaient pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, et vu le caractère infernal que pouvait avoir la chanteuse...J'avais manqué de peu de m'étrangler en l'entendant dire qu'elle aimait bien Prescott. Cette fille avait vraiment un problème. Ou bien tordue, comme elle venait de le dire elle-même.

- Il n'est pas tordu, c'est juste un crétin. Tu t'en apercevra vite. Parfois, s'accrocher c'est encore plus stupide que de laisser tomber.

Déclarais je le plus sérieusement du monde. Pourquoi perdre son temps avec un gars pareil. Il allait finir comme tous les autres. Soit parce qu'il en aurait assez d'Aileen, soit parce que ça serait celle ci qui en aurait marre de lui. En tout les cas, j'étais bien content de ne pas être au centre de tout cela. Autrement dit, de ne pas être attiré par les concerts de la chanteuse ou autre évènements publics de son cru. Le seul endroit où l'on pourrait se retrouver serait à cause de Wilder. Pas que j'aimais me rendre aux festivités, c'était même plutôt l'inverse. Mais mon père savait se montrer persuasif pour que je m'y rende à contre cœur. Surtout que j'étais souvent le seul à me retrouver avec un verre sans alcool dans les mains au milieu de tout ce monde. Peu importe avec qui et où, je faisais toujours tâche dans le décor. Une jolie tâche cependant.
La conversation avait d'ailleurs tourné sur la beauté. Aileen semblait avoir un problème là dessus. C'était assez bizarre. Je ne me formalisais pas de son point de vue sur ma personne. Je savais que j'étais pas laid alors son avis ne comptait pas. Elle le disait d'ailleurs toute seule. Et je ne pouvais qu'appuyer ses propos sur ses goûts.

- Ils sont en effet très atypiques pour que tu apprécies l'excité...

Mais sa phrase sur la beauté pure était tout de même très intrigante. Je savais me montrer curieux parfois, même si ce n'était pas du tout l'un de mes premiers défauts. Etant donné que la plupart je me moquais pleinement de la vie des autres. Mais avouez qu'entendre dire qu'elle avait réussi à être blessé. C'était une grande première.

- Qu'est ce que tu entend par " la beauté pure m'a trop brûlé les ailes" ? Tu t'es fait manipuler par un joli petit minois ?

Si elle faisait partie de ces filles incapable de résister au charme des hommes, je serai très déçu. Pas parce que j'avais une haute opinion d'elle mais parce que en l'ayant côtoyé j'avais perçu qu'elle était différentes de ses semblables. Capable de penser avec son cerveau et non avec ses ovaires.

Je n’avais certes pas passé beaucoup de temps avec Mateusz mais je ne pensais pas qu’il soit un crétin. Mais d’un côté, pour Joris tous les autres représentants de l’espèce humaine pouvaient se voir affublés de ce qualificatif. Il était loin d’être d’un abord facile et pouvait rapidement décourager toute tentative de rapprochement. Je ne saurais dire si cela avait empiré suite au décès de Caïn. Il avait toujours été particulier. Et puis nous nous contentions de poser ensemble à l’époque. Caïn s’occupait du bavardage. Sa réaction lorsque j’avais dit apprécier Prescott était relativement insultante. Pour lui comme pour moi. J’avais encore le droit d’apprécier qui je voulais non ? C’est-à-dire pas grand monde quand on y pensait…

« Laisser tomber n’a jamais été mon genre. »

J’étais trop bornée pour ça. Je ne déviais jamais des plans que je m’étais fixé peu importe les ravages que cela pouvait causer sur mon esprit, mon corps ou les gens autour de moi. Je ne parlais pas seulement ici de mon obsession de venger mon père mais aussi de mes répétitions, du contrôle drastique que j’exerçais sur mon corps et aussi de ma poursuite de la gloire.

Il ne fallait jamais juger un livre à sa couverture. A l’extérieur, j’étais peut être le cliché typique de la chanteuse à succès tout en paillettes et en soirées qui n’en finissaient pas. Qui irait donc savoir que j’étais en réalité la fille d’une légende dans le monde souterrain et plus exactement parmi les tueurs à gage. Même Joris n’irait pas imaginer ça. Alors que mes gouts ne collent pas avec l’idée qu’on se faisait de moi était plutôt logique.

« Il a quelque chose d’intriguant, c’est tout. »

Mais bien sûr. C’était tout. J’allais faire semblant de croire à mes propres paroles. De toute façon, Joris avait trouvé plus croustillant à se mettre sous la dent. Je pensais qu’il laisserait couler ma réflexion sur la beauté après avoir compris que cela n’avait rien à voir avec lui. Ce n’était pas vraiment son genre de s’intéresser à autre chose qu’à lui-même. C’était un progrès. J’allais donc lui réserver une de mes réponses de normands habituelle. Lui donner des informations sans réellement dire quoi que ce soit.

« Disons plutôt qu’un beau visage peut parfois cacher un monstre. Des gens dont l’âme est réellement noire à l’intérieur, tu vois ? »

Je haussais les épaules pour minimiser le poids de ma déclaration agrémentant le tout d’un petit sourire moqueur, mais mon regard s’était fait plus sombre et lointain. Parfois je me disais que mon âme à moi aussi était sombre comme la nuit. Je passais mon temps à planifier la destruction de mes ennemis et je savais que je n’hésiterais pas quand le moment sera venu. Mon âme aussi était noire. Peut-être depuis toujours. Les prêtresses de Hyne m’avaient maintes fois répétées que les enfants portaient en eux les péchés de leurs pères et qu’ils devaient les expier. J’avais donc ses meurtres qui pesaient sur un pan de ma conscience et honnêtement, ça ne me faisait ni chaud ni froid. Il ne m’avait jamais caché ce qu’il faisait dans la vie. Il ne me cachait jamais rien tandis qu’il cachait tout au reste du monde. Et je marchais toujours aujourd’hui dans ses traces.
   

Si elle était toujours là à me parler, c'était bien qu'en effet elle n'abandonnait jamais. Malheureusement pour moi, j'étais voué à supporter Aileen jusqu'à ce qu'elle daigne me laisser. Ou qu'une affaire plus urgente que de tenir une conversation futile tombe du ciel. Remarque, cela faisait un point commun entre elle et l'excité. Ce dernier était têtu, tellement fier de lui qu'il avait eu l'absurde d'idée d'aller jouer les héros tous seul. Avouez qu'il fallait être sacrément timbré pour faire une chose pareille. Je me demandais bien à quoi il s'était attendu en faisant ce genre de choses...Résultat, il ne ressemblait plus à grand chose. Peut être que cet aspect avait un côté attirant pour les femmes...Je supposais qu'il en fallait pour tous les goûts ? Je n'étais pas fan des scarifiés de mon côté. Cela dit, j'étais attiré par rien du tout. Alors au bout du compte, mon avis ne comptait pas et puis qu'est ce que cela pouvait bien me faire que Aileen trouve intéressant Prescott. Elle était assez grande pour prendre ses responsabilités.

- Tu fais ce que tu veux avec qui tu veux

Finissais je par déclarer. Je ne voyais pas ce que cet homme avait d'intriguant. A mes yeux il était surtout inintéressant mais bon. Je pouvais aussi me tromper vu que je ne le connaissais pas. C'était un peu comme Aileen. L'ayant fréquenté de près - mais quand même de loin- je savais qu'elle n'était pas simplement une star avec une vie de paillette. Elle avait un sacré caractère et était un minimum social. Ce qui en soi, n'était pas difficile quand on rencontrait mon frère. Il avait été loin d'être aussi renfermé que moi. Quand je disais que l'on était l'exact opposé niveau caractère ce n'était pas un mensonge. Surement qu'il aurait même réussi à bien s'entendre avec Mateusz...Le vrai calvaire vous voyez. Parce que bien évidemment, les amis de mon frère, j'avais été obligé de les supporter. C'était mon minimum social à l'époque par son biais. Maintenant que j'étais tous seul, c'était plus compliqué.

Je méditais quelques secondes sur ses paroles. Un joli minois pouvait cacher quelque chose de plus moche. En effet, on pouvait être beau à l'extérieur mais à l'intérieur c'était tout le contraire. Mais d'un autre côté, est ce qu'ils avaient pas tous un côté obscur en eux ?

- Les humains ont tous une part d'ombre, sinon comment est ce qu'il leur viendrait l'idée de se tuer les uns les autres ?

Moi je rêvais d'un monde de paix. Il serait déjà plus supportable. J'étais trop idéaliste de croire que cela arriverait un jour. Les humains ne pensaient qu'à eux même et aucunement aux vies qui pâtissaient de leurs bêtises.

- Mais je comprend où tu veux en venir...avec ma tête on pourrait difficilement croire que je suis un Seed. Si je m'en donnais la peine, je pourrai être terrifiant

Rajoutais je en pensant à ce que m'avais dit Nathan la dernière fois. Si je n'étais pas pacifique, je serai un bon Seed. Mais voilà, je n'aimais pas me battre. Je préférais parler plutôt que d'en venir à la violence. Même si je savais que les humains pouvaient se montrer plus stupide qu'un singe.

Joris avait clos le sujet Mateusz d’une simple phrase. C’était rafraichissant, quelqu’un qui savait qui j’étais et qui ne s’intéressait pas à décortiquer toutes mes relations afin de vendre l’information à la feuille de chou la plus généreuse. C’est sans doute pour cela que malgré nos différences, j’appréciais la compagnie de Joris. Il était divertissant. Je ne pouvais donc m’empêcher de le taquiner.

« Oh mais j’y compte bien. »

Il n’était pas étonnant que malgré les nombreuses années où j’avais cotoyé épisodiquement Joris, celui ne sache que peu de chose sur moi. Personne ne me connaissait. J’y avais veillé. J’étais une énigme drapée dans un mystère. Mes fans les plus acharnés mettaient en avant sur leurs blogs certaines des incohérences entre leurs propres ‘informations’ et ma biographie officielle. En particulier concernant mon enfance. Mais même leurs théories les plus fumeuses ne s’approchaient pas de la réalité.

Et vu le caractère pacifique de Joris, il serait surement dégouté de savoir que l’histoire de ma famille s’écrivait dans le sang. Pourtant, je n’avais jamais réellement compris en quoi tuer était mal. C’était naturel. Je me souvenais de mon père m’apprenant où tirer pour tuer sur le coup, comment décrypter sa liste de cibles… Il ne m’avait jamais caché comment il assurait notre train de vie. Tout cela était normal pour moi. Presque banal. Ca n’avait cessé de l’être que quand lui-même était devenu une victime. J’avais ensuite planifié ma vengeance et je n’avais jamais été si proche d’atteindre mon but. Hunter savait maintenant à qui il avait à faire et planifiais très certainement son prochain coup. Je l’attendais de pied ferme avec un revolver chargé. Je n’avais pas une vision en noir et blanc de la vie. Dans mon esprit, tout le monde était mauvais. On l’était juste plus ou moins. Et celui qui tirait le plus vite avait le pouvoir de décider qui devait vivre et qui devait mourir.

« Evidemment, nous sommes des prédateurs après tout. Mais certains sont plus dangereux que d’autres. »

Et je me classais dans cette deuxième catégorie. Alors que, plus que jamais je ressassais mes envies de vengeance, mon regard était dur et froid. Une facette de ma personnalité beaucoup plus authentique mais que je laissais rarement ressortir.

La suite des propos de Joris me fit sourire et quitter le mode ‘Aileen-sociopathe’.

« Les gens sont faciles à berner. Ils ne voient que ce qu’ils ont envie de voir. Plus tu te donnes à voir aux gens et moins ils cherchent à savoir qui tu es vraiment. Je ne t’ai jamais vu en action mais vu ce que je sais du SEED et de toi, je n’ai aucun doute sur ton potentiel à semer l’effroi. C’est plutôt le choix d’une carrière avec le SEED qui m’interpelle. »

Si seulement il pouvait s’imaginer que je me préparais à partir en croisade. Car, si Hunter était le sujet principal de mon courroux, ma vendetta allait s’étendre à tous ceux qui avaient eu quelque chose à voir, de près ou de loin avec la mort de mon père.

Alors que je continuais ma discussion avec Joris, mon téléphone se mit à sonner. Avec un soupir, je ne sortais de mon sac. C’était le Directeur Kramer. Je ne restais que quelques secondes en ligne. Apparemment, Monsieur n’était pas content que toute la BGU soit au courant de mon passage. Comme si c’était de ma faute ! Toujours est-il qu’il me convoquait séance tenante dans son bureau. Insupportable vieux grigou.

« Le devoir m’appelle. Kramer a peut-être envie d’une petite chanson finalement. Si jamais tu t’ennuies, passe me voir. Chambre 13. »

J’avais juste formé ces derniers mots avec mes lèvres sans laisser passer de son. Je ne tenais pas à ce que toute la BGU vienne tambouriner à ma porte. Pour le moment, seuls Mateusz, Sithmaith et maintenant Joris savaient exactement ou je dormais. Enfin avec la Direction bien sûr. Mieux valait ne pas faire attendre Kramer plus longtemps. Il était déjà de mauvaise humeur. Un dernier petit signe de main à Joris et je quittais la Cafétéria d’un pas altier. Vers de nouvelles aventures.

Ce n'était pas parce que j'avais dis qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait, qu'Aileen était obligé de souligner qu'elle y comptait bien. Surtout parce qu'à mon avis, elle ne comptait pas seulement l'utiliser comme garde du corps. Je n'avais pas besoin d'y songer pour trouver cela dégoutant. Malgré les forts propos que j'avais eu avec Nathan au sujet du sexe, ces choses là ne m'intéressaient pas. Et je ne comptais pas m'y mettre. Bien évidemment, connaissant un minimum le chanteuse, elle devait surement chercher à me taquiner. Après tout, elle savait que je n'étais pas à l'aise sur ce thème. Sur beaucoup de thèmes d'ailleurs. Aileen me connaissait mieux que moi je ne la connaissais. En même temps, je n'avais jamais chercher à le faire. A mes yeux, elle avait toujours été une partenaire de photoshoot et une amie de mon frère. Bien évidemment, j'avais été obligé de "vivre" avec elle et l'avait observé silencieusement.
Parfois elle avait ce regard froid, comme maintenant alors qu'on parlait des gens dangereux. J'ignorais à quoi elle pensait. Surement à quelque chose de lugubre. A vrai dire, je n'imaginais pas vraiment mon interlocutrice comme une jeune femme pacifiste. Elle serait surement même la première à tordre le cou à celui qui viendrait lui chercher des ennuis. Derrière ses grand yeux se cachait à coup sur une âme terrifiante. De quoi plaindre encore plus Prescott.

- Des prédateurs...oui c'est vrai nous sommes des mammifères. Et le fait que nous puissions penser nous différencie des animaux...bien que je me demande si certains humains ont cette faculté

Songeais je à voix haute. Assez bête pour courir après la gloire et la richesse. Qu'est ce qu'il y avait de beau là dedans ? Etre simplement sous les projecteurs à cause de mon nom, était déjà fatiguant, je ne me voyais absolument pas contrôler le monde ou un pays. Et encore moins des abrutis. Comme le disait Aileen, c'était ce genre de personnes qui étaient les plus simples à manipuler. Des mots bien placés et hop, c'était dans la poche. J'avais appris que les humains attendaient surtout qu'on leur dise ce qu'ils voulaient entendre. Du simple compliment à l'admiration.

- De l'effroi ?

Répétais je en cachant mon amusent de ma main. On m'évitait, certes, mais pas parce qu'on craignait mes capacités. Simplement parce que j'étais trop...moi. Alors c'était tout de même comique de mettre le terme "effroi" dans une phrase à mon sujet. Aussi en parlant du Seed. Peut être parce que j'étais dedans, je ne voyais pas les choses de la même façon.

- Tu sais très bien pourquoi j'ai choisi cette voie

Répliquais je plus froidement que je ne l'avais voulu. Elle savait parfaitement que c'était le rêve de Cain. Elle l'avait suffisamment encourager pour cela. Je n'avais fait que continuer son projet, plus ou moins bien.
Le téléphone d'Aileen coupait court notre discussion. Une conversation brève avec Kramer. J'esquissais un sourire à sa réplique qui faisait référence à mes propres paroles de tout à l'heure quand je lui avais demandé ce qu'elle faisait ici. La chanteuse me faussait donc compagnie, me permettant de retrouver ma solitude. Enfin, façon de parler. Vu tous les regards des gens qui étaient posés sur moi après avoir regardé la blonde partir...Je la détestais encore plus. Agacé, je me levais à mon tour, ramassant ma boîte avant de quitter la cafétéria en me faisant le plus petit possible. La prochaine fois, je mangerai mes fraises dans ma chambre.