Practice makes perfect {Joris

Ce matin, j'avais donné rendez-vous à Joris pour un entraînement un peu particulier. En tant que Cadet, je ne pouvais pas pénétrer dans la Mine de Souffre sans être escorté d'un Instructeur ou d'un SEED. Les Templiers ne m'auraient pas laissé rentrer. Les monstres et les conditions climatiques de la zone étaient considérées trop dangereuses. La chaleur nous affaiblissait, nous faisait transpirer et ainsi nous obligeait à donner le meilleur de nos capacités. C'était en tout cas ce que j'avais entendu dire car je n'y avais moi même jamais mis les pieds.

C'était donc en tenue de combat et avec mes cartes dans ma poche que j'avais passé les portes du garage de la BGU pour y récupérer ma moto. Cet engin était la prunelle de mes yeux. Mes parents me l'avaient offerte lors de leur dernier passage à Balamb pour mon anniversaire. Ils avaient été en vaine et avait décidé de me faire ce petit plaisir. J'en profitais donc le week-end pour sillonner les routes de la région de Balamb et m’entraîner dans la nature. Je rentrais souvent bien amoché au plus grand damne du personnel médical.

Mais aujourd'hui, la chose était officielle. J'avais obtenu une autorisation. Joris m'accompagnait. Tout était en règle tandis que je me garais à l'entrée de la mine et que je m'accoudais à la roche après avoir salué de la main les Templiers. Je sortais mon téléphone de ma poche et me perdait dans les méandres des réseaux sociaux en attendant. Commentant les photos d'Anthea, la seule qui avait le droit à plus d'un emoji de ma part.

J'espérais que mon ami ne tarde pas trop. L'inactivité ne me valait jamais rien de bon.

Allongé sur mon lit dans ma chambre à la BGU, mon portable collé contre mon oreille, je soupirai. Ne cachant absolument pas mon agacement à la personne qui se trouvait à l'autre bout du fil. Pour une fois ce n'était pas mon père qui me tapait sur le système - et finalement j'aurai peut être préféré. Non, c'était le directeur du magazine de mode avec qui mon père avait signé le dernier contrat. Sur ma tête. Autrement dit, c'était encore ma bouille qui allait devoir être pris en photo alors que je n'avais rien demandé. Surtout qu'en ce moment c'était un peu compliqué de jouer à ce jeu. Pas que j'avais grillé ma couverture mais voilà. Je ne pouvais pas quitter Balamb comme je le désirais sur mes jours libres. Par conséquent, je devais négocier le lieu de la ville touristique qui était d'un côté encore en ruine suite à l'attaque d'il y avait trois ans. Autant dire que en matière de décor il y avait beaucoup mieux. Dans la forêt ? Sur le bord de la route ? Il y avait des monstres. Du moins, un risque en tout les cas d'attirer plus d'ennuis que de bons résultats.
Ca faisait une demi-heure qu'il me tenait la jambe, une demi-heure de perdue alors que j'avais rendez vous avec Ace à la Mine de Souffre. Le cadet allait m'assassiner c'était sur et certains même si je n'étais pas connu pour ma ponctualité sur les rendez-vous. Il suffisait de demander à Paul.

- Pour la millième fois, je vous conseille d'aller chercher un mannequin qui sera plus disponible que moi. Moins beau surement, mais c'est tout ce que je peux vous proposer. Et je m'en fiche de ce que Monsieur Wilder à écrit dans ce fichu contrat, je ne suis pas un objet. Aurevoir.

Je lui raccrochais au nez, sinon demain j'y étais encore. Me redressant, je me dépêchai d'enfiler ma tenue d'entrainement, attrapai mon sac et sortais de ma chambre en direction du garage. Je n'étais pas fan des motos, préférant nettement la conduite en voiture. D'ailleurs, je m'approchais d'une jolie décapotable, faisant glisser mes doigts sur le capot avant de grimper à l'intérieur. Direction la Mine de Souffre. Lunette de soleil sur le nez et cheveux au vent, je me dépêchai - abusant surement sur l'accélérateur.
Une fois arrivé je me garai non loin de l'entrée, rejoignant Ace qui passait le temps sur son téléphone portable. Je ne comprenais pas pourquoi les cadets avaient besoin d'être tenu par la main pour entrer là dedans. Surement pour éviter d'être retrouvé carboniser. En tout les cas, mon apprenti magicien devait se sentir chanceux que j'ai accepté de jouer les nourrices. Même si d'un côté cette sortie m'arrangeait aussi vu que je voulais améliorer mes compétences. Aussi bien en paramagie - notamment quelques sorts - que en attaque direct avec mon sabre. J'avais d'ailleurs aussi amené mon arme qui était bien rangé dans son fourreau, accroché à mon dos. Et comme on était jamais sur de rien, j'avais aussi embarqué des potions et de l'anti-brûlure.

- Tu ne m'a pas attendu trop longtemps ?

Demandais je en redressant mes lunettes de soleil sur ma tête. Traduction : je sais que je suis en retard, pas besoin de me le signaler. Maintenant qu'on était tous les deux réunis, il n'y avait plus qu'à entrer dans la mine. Je ne gardais pas vraiment un bon souvenir de cet endroit, la chaleur et moi on était pas trop amis. J'avais mis trois jours à m'en remettre la dernière fois. Enfin bon, il fallait bien transpirer pour s'améliorer.
Après vérification de mon identité - chose inutile vu qui j'étais - auprès des Templiers, le chemin était enfin libéré. A peine un pas à l'intérieur de la mine, que la chaleur était assez saisissante. J'espérais ne pas tomber tout de suite sur un Succube, car ils avaient tendance à exploser.

Le temps passait tandis que je prenais le  temps, pour la première fois depuis plus d'une semaine de lire les commentaires postés sur mes réseaux sociaux. Rien de très nouveau ou de réellement passionnant. La même chose pouvait s'appliquer à mes SMS. Le principal inconvénient lorsqu'on ne le livre jamais vraiment et qu'on reste dans la superficialité, c'est que les autres n'ont jamais rien d'intéressant à vous dire. J'étais populaire auprès des jeunes filles de la BGU mais elles ne savait rien de moi. Je ne pouvais leur offrir qu'un moment d'oubli et elles le savaient très bien. Pour celles qui gardaient quelques illusions, celles ci disparaissaient bien vite lorsque je claquais leur porte.

Les gens que je laissais m'approcher en dehors de quelques étreintes volées étaient aussi rares que précieux. Je ne faisais pas confiance facilement et même parmi ceux qui passaient les premières barrières, elle n'était pas acquise et se perdrait facilement. Il n'y avait que pour Anthea que j'étais sure que jamais je ne pourrais la laisser de côté. Elle était gravée sous ma peau aussi et faisait partie intégrante de mon être. Ne plus la voir serait comme arrêter de respirer et c'était ce qui rendait ce sentiment caché au fond de moi si dangereux. C'est pourquoi il me fallait à tout pris le museler et le perdre dans le défilé permanent de mes conquêtes. C'était plus facile et bien moins inquiétant.

Mes pensées furent interrompue par l'arrivée de Joris. Mieux vaut tard que jamais comme on dit. Avant même que je puisse faire une remarque sarcastique de mon cru, il me coupa l'herbe sous le pied avec sa question. J'affichais donc un petit sourire en coin en agitant mon téléphone pour attirer l'attention sur celui ci.

« Je me suis occupé »

Je le rangeais ensuite dans une poche spéciale de ma tenue d’entraînement. Mon tee-shirt me collait déjà à la peau et non n'étions même pas encore entrés dans la mine de souffre. De ce qu'on m'avait raconté, nous allions souffrir une fois à l'intérieur. Sans compter que mon principal élément, le feu, ne me serait d'aucune utilité ici. Mais c'était pour ça que j'étais là. M’entraîner. Devenir plus fort. Et malgré son caractère parfois exécrable, je savais que Joris pouvais m'y aider. Ne serait ce qu'en l'observant combattre.

Il était temps de pénétrer dans les lieux. Je tendais mon autorisation et attendais pendant que les Templiers vérifiaient l'identité de Joris. La chaleur me saisi dès les premiers pas. Innommable, étouffante. C'était à la limite du supportable. Mes cartes en main et une lampe accrochée en brassard, je scrutais les alentours.

« Ça faisait un moment qu'on n'avait pas fait ça. S’entraîner ensemble je veux dire. »

J'espérais avoir fait quelques progrès depuis la dernière fois, que toutes ces heures d’entraînement n'aient pas été vaines. Une flopée de Nocturnus s'abatti sur nous à ce moment précis tandis que, aux aguets, je lançais avec rapidité une série de cartes dans leur direction. De mémoire, c'était des créatures de faible résistance physique et un coup devrait suffire à s'en débarrasser. Joris pourrait s'occuper de ceux qui n'aurait pas été touchés par ma salve.

Un mini sourire avait étiré mes lèvres lorsque je le voyais agiter son portable. Je pouvais déjà entendre un instructeur râler sur le fait que Ace aurait pu s'occuper en faisant des étirements. Ca c'était un truc qui servait vraiment à rien, si ce n'était de se fatiguer avant tout autre chose. Depuis que je n'étais plus cadet je m'en passais bien, préférant comme Ace passer le temps sur internet entre les réseaux sociaux et les sites de vêtements. Si je n'avais pas la marque collé à mon nom, surement que je ne serai pas aussi populaire dans le monde. Ce qui était assez drôle vu que à la BGU, j'étais plutôt impopulaire. Contrairement au jeune homme qui me faisait face. Je l'avais connu tout gringalet et le temps avait fait son œuvre sur le petit cadet. Il était devenu ce qu'on appelait " un homme" et de ce que j'avais entendu, les demoiselles ne disait pas non. Tant mieux, qu'il endosse cette popularité à ma place, ça me faisait des vacances. Déjà que j'avais Paul qui pensait qu'il était trop moche pour moi, j'aurai eu le droit à une autre crise.

Une fois passé les barrières de sécurité, la mine nous attendait chaleureusement et ce n'était pas un euphémisme. C'était déjà étouffant rien qu'à l'entrée et j'avais l'impression d'être un œuf à la coq. J'aurai mieux fait d'emmener Ace en balade en forêt, ça aurait été plus agréable.

- Tu as eu de la chance que j'ai eu de la place dans mon emploi du temps

Ca m'avait permis de raccrocher au nez de l'autre abruti tout à l'heure. D'habitude je posais le téléphone et je faisais quelque chose d'autre jusqu'à ce que la personne à l'autre bout du fil ne dise plus rien. Est ce que j'avais écouté ? Pas le moins du monde. Je n'avais pas besoin de le faire car le coupable était toujours le même. Cette petite escapade tombait donc bien, j'avais aussi besoin de me défouler en quelque sorte. Je n'était pas non plus un barbare qui allait foncer dans le tas. En sachant qu'il y avait des créatures qui vivaient ici que j'étais incapable de toucher avec ma maigre force.
Pour le moment, on était attaqué par un groupe de Nocturnus. Ces petits bêtes volantes n'étaient pas très résistantes, ce qui faisait un bon échauffement. Ace avait déjà lancé les hostilités en faisant voler ses cartes. C'était une arme assez original, je devais l'avouer. De mon coté, je ne voulais pas prendre le risque d'envoyer valser Ace dans la lave et dégainait mon sabre pour m'occuper des bestioles qui n'étaient pas victimes de l'attaque du cadet. Je n'avais pas beaucoup de résistance mais j'étais rapide. Ma vitesse me permettait d'esquiver les tentatives de morsure sans aucune difficulté et de contre-attaquer.
Alors que le dernier Nocturnus tombait, une deuxième volée faisait son apparition.

- On dirait que ça fait longtemps qu'ils n'ont pas eu de visite

Un invité surprise s'était cependant glissé parmi la nuée de monstres violets. Un Schizoïd. Ca allait chauffer encore plus.

- Fais gaffe, celui-ci peut lancer brasier

Ace était surement au courant, mais c'était simplement une piqûre de rappel, comme le disait les instructeurs. Il fallait donc en même temps guetter les attaques directes des Nocturnus et en même temps la magie de leur copain monstre. Tout en gardant un œil sur son partenaire de combat, vu qu'on était clairement en sous-nombre.

La mine de Soufre n'était pas franchement le lieu d’entraînement préféré des cadets. Certains n'y mettait les pieds que lors du passage obligatoire un peu avant de passer l'examen pratique du SEED. La raison était simple, les conditions étaient difficiles, les instructeurs ou SEED pas forcément très favorables à l'idée d'y aller pendant leur temps libre et surtout, il était difficile de supporter cette chaleur torride. Cependant, j'avais tendance à aimer être à contre courant. Ainsi, je ne notais jamais rien en cours au grand damne de mes instructeurs de théorie, me contentant d'écouter, parfois distraitement leurs cours. Je n'aimais pas être noté, aussi, je m'arrangeais systématiquement pour avoir la moyenne, pas plus, pas moins. Il paraît que si j'étais capable de ça, c'est que j'étais capable d'avoir un score parfait. Le hasard n'avait pas sa place dans les QCM qui nous étaient proposés. Pour avoir 10 pile, il fallait bien que je connaisse les réponses. Je n'avais jamais confirmé ou infirmé cette théorie. Me contentant de continuer mon petit manège.

Une bonne partie des Nocturnus était tombée suite à ma salve de cartes. Elles étaient aussi tranchantes que des lames de rasoir et, envoyées avec suffisamment de force, pouvaient trancher ou se ficher dans le corps des ennemis. Cette technique de combat devait allier force, bonne visée et vitesse afin de récupérer les cartes une fois l'ennemi neutralisé. C'était précisément ce que j'étais en train de faire, slalomant entre les cadavres tandis que Joris s'occupait des derniers représentants de cette volée.

« Il faut dire que c'est une vraie fournaise ce truc. »

Pas le temps de discuter, une deuxième fournée de Nocturnus venait de faire son apparition. L'avantage du lancer de cartes, c'est qu'il m'évitait de me retrouver à portée de dents des bestioles ce qui était quand même d'un grand confort. Je les attaquais à nouveau, espérant nous débarrasser du plus grand nombre de chauves souris mutantes possible. En même tant que Joris, je remarquais qu'un autre type de monstre s'était joint à la fête. Cette saleté était résistante à la magie. Très résistante et s'il se décidait à m'envoyer un brasier, je ne donnerais pas cher de ma peau. Et évidemment, je ne maîtrisais pas blindage. Je me planquais donc derrière un rocher, ne me relevant que le temps d'envoyer une bonne dizaine de cartes en direction du Schizoid. La plupart avaient réussi à se ficher en lui, l'affaiblissant énormément. Néanmoins, il n'était pas encore vaincu. Il ne manquait qu'un tout petit rien. Vraiment trois fois rien.

« Tu te sens de lui porter la dernière salve ? »

Franchement, ça m'arrangerait, je devais le dire.

Je regardais Ace du coin de l'œil. Ses cartes aussi tranchantes que des larmes de rasoirs venaient tranchés les monstres ou carrément rester coincés dedans. C'était une arme qui demandait beaucoup de choses. Un peu trop d'énergie si vous voulez mon avis. Mais c'était Ace qui avait choisi de se battre ainsi. Il fallait tout de même avouer que de devoir aller récupérer ses cartes ensuite, c'était dangereux. Un peu comme l'arc et ses flèches. Si on n'avait plus rien dans les mains, on avait l'air bien con. Pour l'instant le cadet maitrisait le tout alors je n'allai pas ronchonner. Enfin si, je pouvais râler sur la température ambiante. Si ça ne tenait qu'à moi je serai venu en maillot de bain mais je n'avais pas envie de sortir de cette mine cuite comme une saucisse. C'était ça d'avoir la peau blanche, on rôtissait facilement. Rien que le soleil me brûlait, j'étais obligé de mettre de la crème solaire +++ ou de me balader avec une ombrelle. Ou tout simplement sortir une fois qu'il faisait nuit. Au moins plus de risque de soleil. Ah, Trabia me manquait dans ces moments là. On me traitait de fou parce que j'étais le seul à aller m'asseoir dans la cour en plein hiver. Quand la neige, merveilleuse, tombait et tournoyait dans le ciel. Un semblant de connexion avec mon continent natal. Il n'y avait que les Trabiens présents à la BGU qui pouvaient comprendre ce sentiment. Je me souvenais encore de Nathan qui s'était pleins d'avoir eu trop froid la dernière fois qu'il avait été en mission à Trabia. Un choc thermique qui l'avait traumatisé, assez pour ne plus vouloir y retourner. Pourtant c'était magnifique là bas.
Bien plus jolie que ses plaines et ses forêts vertes. Que cette fontaine au centre de Balamb. Ca avait beau faire six années que j'avais quitté le nid, j'avais toujours le mal du pays. Heureusement qu'il y avait Paul qui me faisait un peu oublier ce vide. Il y avait de fortes chances d'ailleurs qu'à notre retour il me passe au peigne fin pour s'assurer que je ne souffrais pas de brûlure. Etre infirmier lui allait bien, lui qui était si empathique envers les gens.

Enfin bref, pour le moment je devais supporter cette chaleur et combattre des monstres. La partie n'était pas terminé car un autre groupe était venu jouer. On prenait presque les mêmes bestioles. Une seule était différente. Ace était partie se protéger derrière un rocher, au cas où le Schizoid décidait de lancer brasier. Il n'avait en effet pas ma pratique et ça serait regrettable de devoir ramener son corps carbonisé à la BGU. Je me voyais mal annoncer à Kramer la nouvelle. Déjà que ça ne débordait pas de cadets, alors si en plus je les rendaient en mauvais état. Je m'occupais du reste des chauves-souris pendant que Ace s'en prenait à l'autre monstre. Ils ne demandaient pas vraiment trop de forces alors ça allait. Je ne risquait pas de me casser un bras.
Le cadet me demandait si je pouvais achever le Schizoid. Quoi, il était déjà fatigué ? Je soupirai et me tournai vers le monstre avant de m'élancer vers lui. J'esquivais de justesse un brasier par un saut sur le côté et lui tranchais la tronche avec la lame de mon sabre. La deuxième attaque était à présent éliminé. Dire qu'on venait juste d'entrer.

- Avançons, il y a des monstres plus intéressant pour toi un peu plus loin

Pour moi ce qu'on venait de vaincre, ce n'était que du menu fretin. Le pire était à venir. Mais en attendant, je sortais un mouchoir pour essuyer l'eau qui coulait de mon front. Au moins à Trabia on transpirait pas. Et puis cette tenue n'aidait vraiment pas à respirer. Elle me collait atrocement et je maudissait Daisuke de me l'avoir recommandé. D'accord elle était plus résistante que les vêtements que j'achetais mais au moins j'avais pas l'impression d'avoir une seconde peau. Alors que je finissais de m'éponger tout en marchant aux côtés de Ace, j'apercevais un point rouge voler vers nous. Un Succube. Bien qu'il était seul, c'était une bombe à lui tout seul. Enfin seul, pas vraiment. Car deux Nocturnus venaient s'inviter à la fête en arrivant derrière nous. Chouette.

- Je m'occupe des bestioles, toi essaye de tenir l'autre monstre à distance avec tes cartes ! Fais attention à brasier

Au moins, les monstres ici changeaient un peu de la serre de combat. A force d’entraînement, je connaissais la zone comme ma poche, sachant exactement dans quel coin quel type de monstre officiait et où se planquer pour éviter les charges du T-Rex. J'en maîtrisais aussi la zone secrète pour y avoir ramené plusieurs de mes conquêtes pour un entraînement d'un autre type. L'un comme l'autre brûlaient des calories et favorisaient l'endurance ceci dit. Pas sur que la BGU approuve mes petites escapades nocturnes. Ils privilégiaient le sérieux et le batifolage entre cadets, de même qu'entre SEEDs n'était pas franchement bien vu.

Toujours à l'abri de mon rocher, j'observais Joris finir le monstre. Il avait beau avoir la force d'un poulet déshydraté, ce fut suffisant pour venir au bout du Schizoïd. Adressant un sourire accompagné d'un signe de tête à Joris – je n'allais pas non plus le remercier d'avoir bougé ses fesses, on n'allait pas pousser – je quittais mon refuge tout en m'époussetant pour reprendre une contenance.

Il faisait une chaleur à mourir dans ce trou. Sans y réfléchir à deux doigts, je profitais de l'accalmie pour me débarrasser de mon tee-shirt que je fourrais dans ma poche arrière. Il ne me restait plus qu'à prier pour ne pas me faire cramer par un des monstres des lieux. Les cicatrices de brulures, ce n'était pas très vendeur. Une fois plus à l'aise, je récupérais mes cartes en un tour de main – la force de l'habitude – avant de me lancer à la suite de Joris.

Nous fûmes très vite interrompus par l'arriver d'une saleté flamboyante que j'identifiais rapidement comme un succube. Une horreur qui vous pétait à la tronche au bout de trois attaques. J'avais bien retenu mes cours sur les monstres, n'en déplaise à Monsieur Nanoo. Ce n'était pas parce que je manifestais mon ennui profond pendant ses cours que je ne retenais pas ces derniers.

« Je m'en occupe. Au fait, comment ça se passe avec l'infirmier ? »

Si nous étions partis pour passer la journée ensemble, autant meubler. Je n'en oubliais pas pour autant le monstre et lui lancer une première salve de cartes qui le percutèrent en pleine face. Le moins que l'on puisse dire c'est que la bestiole n'avait pas trop aimé. Elle commença à s'exciter et à gonfler pour la première fois avant de me balancer un brasier. J'eu tout juste le temps de me baisser, manquant de peu d'y perdre ma tignasse. Cela eu le don de m'agacer et je lançais une nuée de carte plus violente que la précédente. Toutes firent mouche et le cri de douleur du succube me donna bon espoir que mon prochain coup nous en débarasse avant qu'il n'explose. Ne lui laissant pas le temps de se remettre je finalisais ma dernière attaque qui le fit chuter au sol. Mort, mort et re-mort. Une fois que Joris eu terminé de laminer les autres ennemis, j'approchais du cadavre piqueté de cartes pour les récupérer. Elles étaient encore chaudes au toucher et maculées de sang ce qui m'arracha une grimace.

« C'est dégueulasse. »

Si de mon côté, j'avais décidé de garder ma tenue entière, ce n'était pas le cas de Ace. La cadet avait en effet retirer son tee-shirt. Pour un gosse de dix-huit ans il fallait avouer qu'il était bien bâtit. Je ne comprenais rien au système d'attirance et tout ce qui allait avec, mais si je me basai sur mes études sociales et comportementales, Ace avait de quoi avoir du succès auprès de la gente féminine. Il remplaçait en quelque sorte Lucian, mon ami défunt, qui avait eu aussi son fan club. Je me souvenais des pleurs incessants des demoiselles de la BGU. J'avais pleurer aussi, mais dans ma chambre. Pas devant tout le monde. On était pas non plus les meilleurs amis du monde, mais c'était encore étrange de ne plus le croiser dans les couloirs de la BGU, de ne plus avoir nos rendez-vous muffins. Après Paul se plaignait que j'avais perdu du poids mais je n'avais plus de partenaire pour dévorer ces délicieuses pâtisseries. Je ne désirai pas ennuyer Léandre avec ça, qui avait aussi son deuil à faire concernant sa sœur. Perdre un membre de sa famille je savais ce que cela faisait. Ca mettait beaucoup de temps à cicatriser, surtout quand on était proche.

Heureusement il y avait des petites sorties comme celle-ci pour se changer les idées et se défouler. La mine de soufre n'était pas non plus un haut niveau pour un Seed comme moi. Mais il fallait faire attention en ce qui concernait un cadet. Ma punition m'avait au moins permis d'apprendre à "encadrer" ces jeunes. Même si j'en avais eu peu, ça avait déjà été hautement suffisant pour finir avec une migraine à la fin de la journée. J'avais donc été très soulagé lorsque Payne m'avait enfin libéré de cette torture. C'était sur et certains que je ne m'emballerai plus avec un civil. Je préférais me faire frapper par l'un d'eux que de revivre ça. Les monstres c'était beaucoup plus simple, il n'y avait aucune distinction à faire. Ils étaient mauvais dès le départ. Certains plus que d'autres, et je ne parlais même pas des fourbes. Comme le Succube. Le sale traître qui se faisait exploser tout seul. J'aurai pu m'en occuper mais d'autres bêtes étaient arrivés. Je ne pouvais pas non plus être à deux endroits à la fois.
J'avais donc donné quelques indications à Ace. Il avait accepté sans rechigner mais sa question m'avait quelque peu pris au dépourvu. Depuis quand il s'intéressait à ma vie privée ? C'était gênant. Si Ace était partie dans le combat de son côté, une morsure à mon bras m'avait réveillé par surprise, et je dégageais le Nocturnus d'un coup de lame. Saleté. Heureusement qu'il avait pas les dents venimeuses. C'était de la faute du cadet, il posait des questions étranges. Je ne savais pas trop quoi répondre non plus. Je supposais que ça se passait bien entre moi et Paul. Jusqu'à preuve du contraire, il ne m'avait pas jeté en dehors de son appartement que je continuais de squatter de temps en temps.

- Euh bien...pourquoi ? Il t'a dit quelque chose ?

Après tout Paul était plus social que moi - ce qui n'était pas compliqué - et s'était peut être pleins auprès de l'adolescent. Il était vrai que je ne lui offrais pas ce que les autres faisaient d'ordinaires. Il attendait peut être ça. Mais je me voyais mal le faire. Tout en étant dans mes réflexions je m'occupais du sort des chauves-souris. Ace avait l'air de s'en sortir même si il avait failli se prendre un brasier. Il avait alors sauvagement répliqué, arrachant un cri de douleur au Succube avant de l'achever sans lui donner la moindre chance. J'en avais aussi terminé de mon côté, essuyant la lame de mon sabre. J'entendais Ace déclarer que c'était dégoûtant tout en récupérant ses cartes plantés dans le monstre.

- Et encore il y a des monstres où ce n'est pas que du sang qu'il laisse sur ton arme

Rétorquais je avec un petit sourire en coin. Ace n'avait pas fini d'en voir de toutes les couleurs. Si déjà il trouvait le sang sale, le pire restait à venir pour lui. Surtout que j'étais en train de perdre un peu le mien. Ma manche en était imbibé à cause de la bestiole qui n'y avait pas été de main morte en me mordant. Je n'avais pas pensé au bandage en venant ici.

- Je peux t'emprunter ton tee-shirt vu que tu ne t'en sers pas ?

Je lui en achèterai un neuf, si ça l'inquiétait. Ce n'était pas ça qui allait me ruiner.

Apparemment, ma question avait perturbé Joris. J'oubliais parfois que tout le monde n'était pas aussi à l'aise avec les relations humaines que moi. Ce n'était pas que j'étais du genre à me vanter de mes conquêtes, loin de là, mais évoquer le fait que j'avais une vie sexuelle active ne m'avait jamais dérangé. A part avec Anthea mais c'était sans doute plus lié à mes sentiments camouflés pour elle qu'à une réelle gêne. Pour moi, tout cela faisait partie de ma routine quotidienne, au même titre que l’entraînement ou le fait de passer à la cafétéria. C'était naturelle et il n'y avait aucune gêne à en tirer. C'était peut être différent lorsqu'on avait une relation suivie et que les sentiments s'en mêlait mais, au fond de moi, j'en doutais. Tout en m'attaquant au succube, je poursuivais :

« Non, il n'a rien dit de particulier. De toute façon, le plus souvent quand je passe à l'infirmerie, c'est Lena qui s'occupe de moi. Mon manque de sommeil l'inquiète il paraît. »

Il est vrai qu'entre les entraînements drastiques que je m'imposais, mes petits passages dans les dortoirs de mes conquêtes et les cours, il me restait assez peu de temps pour dormir. Une chance que je ne révise jamais car je n'aurais pas su où caser ça dans mon emploi du temps.

La réponse de Joris à mon dégoût manifeste pour l'ichor me fit sourire. Je haussais les épaules comme pour lui signifier qu'il n'y avait rien à y faire.

« J'espère devenir suffisamment bon en paramagie pour ne plus avoir de contact direct avec la saleté. Tu sais ce qu'on dit par chez moi... I'm pure at heart. It repels the dirt. Je suis plus délicat qu'il n'y paraît. »

J'affichais un sourire canaille, bien conscient que si mon cœur était peut être suffisamment pur pour repousser la saleté, c'était bien la seule chose qui le restait chez moi.

Lorsque Joris m'interrogea pour mon tee-shirt, je ne pris même pas la peine d'y réfléchir à deux fois avant de le lui tendre. Après tout, c'était un peu de ma faute s'il avait été distrait. Je l'arrachait donc de ma poche pour le lui tendre.

« Besoin d'un coup de main ? »

Mettre en place un bandage avec une seule main n'avait rien de vraiment évident. La question était purement rhétorique. Sans attendre de réponse, je lui fit signe de tendre son bras blessé et je déchirais avec précaution la manche pour observer l'étendue des dégâts. Sa chemise était foutue de toute façon. La blessure avait l'air propre et nette pour autant que je pouvais en juger. Je n'étais pas médecin donc mon avis en la matière était loin de faire autorité. Je grimaçais face au sang, je ne m'y ferais jamais, c'était une certitude. Le mien ça ne me faisait rien mais alors celui des autres... J'entourais la plaie pour éponger le sang avant d'utiliser les bras du tee-shirt pour faire une sorte de garrot pas trop serré au dessus de la plaie. Il ne s'agissait pas ici de lui couper totalement la circulation. Je le laissais décider s'il souhaitait qu'on continue ou non notre avancée.

Pourquoi est ce qu'il m'avait posé la question si il n'y avait rien ? Aigo, il était tellement ennuyant. A cause de ses fausses alertes j'étais blessés. Rien de bien méchant ceci dit, se faire mordre c'était moins violent que de se prendre une grosse pierre dans le bras. Un petit bandage et le tour serait joué. Ace allait beaucoup plus souvent à l'infirmerie que moi visiblement. Je ne savais pas ce qu'il faisait de ses journées pour finir dans un état qui méritait ça. A moins de passer sa vie dans la serre à combattre des monstres. Je ne voyais pas trop l'utilité, sauf si Ace désirait prouver un truc. Un truc que je n'arrivais pas à saisir non plus. Décidemment, ce cadet avait beaucoup de points qui m'échappaient. Mais le manque de sommeil, ça, je comprenais. Je n'étais pas non plus un grand dormeur et depuis la mort de Cain, des cauchemars m'avait empêché de dormir. Jusqu'à trouver un semblant de calme dans les bras de Paul. Mais à mon avis, ce n'était pas cette raison là qui expliquait que Ace ne dormait pas assez.

- Tu devrais lever le pied, un peu

Conseillais je après quelques secondes de réflexions. C'était juste un conseil, après il faisait ce qu'il voulait. Mais qu'il ne compte pas sur moi pour aller le ramasser à la petite cuillère. J'avais déjà eu cette scène avec Paul quand il était paysagiste. J'avais été obligé de le gronder pour qu'il ne recommence plus à en faire trop. Ecouter son corps, c'était important.

- L'adrénaline te pousse mais imagine que pendant un combat, d'un coup tout s'envole et que tu chutes. Tu sera un poids pour tes coéquipiers. Et crois moi, les poids ce n'est pas vraiment appréciés chez les autres Seeds

Bon moi je ne m'étais jamais écroulé. Mais dans le temps où je ne faisais pas grand chose durant les missions, j'avais été considérés comme un boulet par mes pairs. Alors qu'en soit, j'avais tout à fait les capacités pour être chose. L'évolution de la vie avait fait que je m'étais plus impliqués par la suite. Je n'étais cependant pas à l'abri de rechigner de faire quelque chose quand je ne l'estimai pas nécessaire. On ne pouvait pas changer du jour au lendemain. Comme maintenant où je m'évertuais à utiliser mon sabre plutôt que la paramagie alors que ça permettrait de régler le combat en deux cuillères à pot.

- Pour avoir été ton tuteur, de ce que j'ai vu, tu sera un bon mage. Pour le reste, délicat ou non, je n'en sais rien. On a jamais partagé le couvert

Après il y avait bien évidemment les rumeurs de la BGU. Mais moi et les bruits de couloirs, on était pas vraiment très amis. Je préférais nettement voir de mes propres yeux les choses que d'écouter des histoires, qui parfois, paraissait absurdes.

- J'espère cela dit que tu as d'autres motivations que de ne pas vouloir te salir

Rajoutais je avec un léger sourire en coin. Il ne me serait jamais venu à l'idée d'user de la paramagie pour ça. Je m'étais toujours senti bien, un sentiment de liberté quand je lançais un sort. Surtout celui de la glace. C'était pour cette raison que je m'étais spécialisé là dedans. Sinon, je supposais que j'aurai suivi mon frère dans l'apprentissage du sabre. Pas sur cela dit, que je serai arrivé au même résultat que lui. Il ne se serait surement pas fait mordre stupidement non plus dans une mine.
A défaut d'avoir de quoi arrêter le saignement sur moi, je demandais à Ace de me prêter le vêtement dont il ne se servait pas. Alors que le cadet me le tendait, il me demandait si j'avais besoin d'un coup de main. Je n'aimais pas beaucoup qu'on me touche mais il ne m'avait même pas laissé le temps de répondre, que déjà, il me faisait signe de lui montrer mon bras. Je lui tendais ce dernier, non sans une certaine réticence.
J'étais bon pour racheter une tenu d'entrainement. Je serrai les dents lorsque Ace entourait la plaie et faisait ensuite un bandage. Bon, c'était pas le grand luxe mais ça pouvait bien tenir.

- Ca devrait le faire

Pour ce qui était de la suite du voyage. Et bien, Ace avait l'air en pleine forme, plus que moi c'était sur. Il ne fallait peut être pas s'enfoncer trop non plus dans la mine. Je regardais l'heure sur ma montre.

- On devrait revenir sur nos pas...ça fait presque deux heures qu'on est là

Le temps passait vite quand on s'amusait. La partie était cependant pas terminé lorsque je sentais le sol trembler légèrement sous mes pieds. Un coup d'œil à la lave était suffisant pour me signaler que si on ne sortait pas vite d'ici ça allait chauffer pour nous.

- Dépêchons nous de sortir !

Déclarais je avant de me mettre à courir. On était d'ailleurs pas les seuls à vouloir se faire la malle vu les horribles cris de Nocturnus que j'entendais derrière. Ca devait être une bonne nuée qui volait à tire d'aile. Il n'y avait plus à espérer que des Succubes ne poperaient pas sur le chemin.

Tout le monde semblait vouloir me voir lever le pied. Comme si c'était si facile. Je n'avais pas les capacités innées de certains. J'avais du travailler dix fois plus fort pour rattraper le niveau des autres cadets à mon arrivée. Seule mon affinité avec la paramagie m'avait permis de ne pas me décourager complètement alors que je faisais face aux humiliation quotidienne de certains de mes camarades de promotion. Alors oui, chaque heure d’entraînement supplémentaire était pour moi tant un pied de nez qu'une victoire adressée à ces imbéciles. Mes conquêtes aussi d'ailleurs. Des filles qui à l'époque pouffaient dans mon dos étaient prêtes à se battre entre elles pour finir dans mon lit. C'était plutôt pathétique en fait mais c'était aussi une forme de vengeance. Je l'étais, revanchard, je veux dire. C'était l'un des plus sombres traits de ma personnalité. J'avais la rancune tenace. Je pouvais me montrer particulièrement sournois dans mes vengeances. J'aimais et je haïssais avec la même passion. Fidèle jusqu'à la mort à mes amis, attendant dans l'ombre mes ennemis. C'était comme ça.

« Je lèverais le pied quand je serais SEED. J'ai fait une promesse que j'entends bien tenir. »

Oui, j'avais promis à Anthea de la suivre à Balamb et de rester à ces côtés. C'était la seule et unique raison qui m'avait fait quitter mes parents et embrasser la formation de SEED. Je n'en avais trop rien à faire de cette organisation sinon. De ses membres non plus à vrai dire. Même si je respectais Joris et que son compliment me faisait plus plaisir que je ne voudrais bien l'avouer. Surtout qu'il n'était pas du genre à distribuer des fleurs gratuitement. Ce respect était suffisant pour que je décide de faire preuve d'honnêteté à son égard.

« Disons que j'ai quelqu'un à protéger et que la force physique seule n'y suffira pas. Autant développer mes points forts et m’entraîner comme un malade pour les points faibles. »

La vérité, c'était que j'aimais le sentiment de puissance que m'offrait l'usage de la paramagie. Mais ce n'était pas quelque chose qu'il était bien vu de dire à la BGU.

Je préférais donc m'occuper de la blessure de mon coéquipier du jour. C'était bien ce qu'on était sensé faire en mission non ? Joris m'avisa ensuite que cela faisait deux heures que nous étions dans la mine. Déjà ? Je n'avais pas vu le temps passer. Le sol se mit alors à faire des trucs bizarres et franchement pas très rassurants. N'ayant pas spécialement envie de me retrouver coincé dans la grotte ou de finir en saucisse fumée, il était peut être temps de se tirer non ?

Ah ! Et bien apparemment Joris et moi étions ce coup ci sur la même longueur d'ondes. Je me ruais à sa suite, balançant quelques glaciers sur les Nocturnus qui nous suivaient.

« Je vais pas me faire prier. »

Heureusement, les espèces de chauves-souris tombaient comme des mouches. Ils résistaient peu à la magie, c'était donc facile d'en venir à bout. J'aurais tout aussi bien pu utiliser mes cartes mais il aurait été compliqué de les récupérer vu ce qui se tramait dans les parages. Je préférais largement courir.

« Au moins c'est plus divertissant que la Serre, ici. »

Mon sarcasme ne visait pas vraiment à trouver un public. J'avais bien fini par me rendre compte que Joris prenais toujours tout au pied de la lettre.

La promesse de Ace résonnait en moi comme un écho. Même si je m'étais engagé à devenir un Seed au cadavre de mon frère, au final les faits étaient identiques. Je n'avais pas lâché prise malgré les échecs que j'avais essuyé à l'examen. Malgré les propos de certains instructeurs qui m'avait subtilement fait comprendre que je devais abandonner, je n'avais pas renoncer. Pour leur donner tort, j'avais écouté les conseils de Daisuke, laisser tomber pendant quelques instants ma personne lors de l'examen pour donner une image d'investissement et d'esprit d'équipe. En réalité, l'apparence était une chose que je contrôlais parfaitement. Entre ce que je devais réaliser pour Wilder et continuer de garder ma "couverture".

- Cette personne doit être très importante pour toi

Avant, je ne désirai protéger personne. Et puis Paul était entré dans ma vie, je m'étais fait ce qu'on appelait des amis. J'en avais perdu certains. Leur perte me serrait encore le cœur, déjà bien abîmé par une plus lointaine qui n'arrivait pas à cicatriser. L'envie de ne pas rajouter encore plus de noms sur la liste c'était fait ressentir. Le désir de devenir plus fort pour empêcher ça. Je pouvais comprendre alors les motivations de Ace. Totalement.

- Je comprend, j'ai moi-même une force de mouche comparé aux autres Seeds

Avouais je avec un léger sourire penaud. Ce n'était pas comme si de toute façon, je comptais combattre avec mon sabre. La paramagie restait mon domaine de prédilection et dans lequel je me sentais le mieux. Seulement, comme l'avait dit Ace, il fallait savoir être fort autant physiquement que magiquement. Pour ce qui était du premier point, ça risquait d'être un peu long.

En revanche, j'étais rapide, à défaut d'être résistant. Je n'encaissais pas les attaques mais je les évitais. Et de toute manière quand on se trouvait dans un volcan, mieux valait savoir plutôt courir que de souffrir. Il était donc temps pour nous deux de sortir d'ici avant de finir carboniser. Déjà que je n'appréciais pas vraiment la chaleur, ce n'était pas pour en plus la sentir au sens propre du terme sur ma peau. La course final, se dotait en plus d'un groupe de chauve-souris qui volait juste derrière nous. Si la situation me paniquait un peu - bien que je ne le montrais pas - Ace, lui, avait l'air de prendre son pied.

- La prochaine fois je t'emmènerais plutôt dans la forêt

Rétorquais je, n'ayant pas compris l'humour du cadet. J'aidais d'ailleurs ce dernier à faire reculer les Nocturnus à coup de glacier. Regardant par conséquent plus derrière moi, que devant, je n'avais pas pu constaté à temps les pierres qui s'étaient décrochés du plafond. Je sentais soudainement que je basculais en avant, mon pied percutant quelque chose de dur dans une affreuse douleur. J'embrassais ensuite le sol dans une chute toute aussi douloureuse, ravivant la blessure de mon bras que j'avais oublié l'espace d'un instant. Je détestais vraiment cette mine. Alors que je me redressai, mon regard tombait en plein dans celui d'un Succube.

- Ah !

Lâchais je, surpris. Normalement, c'était une boule de feu calme, alors si je reculai sans aucune provocation je pouvais encore sauver mes cheveux.

Oui, Anthea était importante. Elle avait toujours été là, comme une constante dans ma vie. Nous avions grandit ensemble, pris par à tout un tas de ces aventures que se racontent les enfants et qui transforment une simple balade dans l'hôtel de ses parents en aventures épiques. J'avais essuyer ses larmes autant qu'elle m'avait consolée. Elle me connaissait sans doute plus que ma propre mère et sa présence était gravée dans ma chair comme quelque chose d'indélébile. Je ne m'imaginais pas sans elle dans ma vie. C'est pour ça que lorsqu'elle avait choisi d'embrasser la carrière de SEED et de se former pour cela à la BGU j'avais décidé de la suivre. Je n'avais jamais voulu être mercenaire. Je pensais continuer comme flambeur comme mes parents. J'étais doué pour ça. Mais je voulais pouvoir la protéger, coûte que coûte. C'était ça, ma vraie vocation. Le fait que maitriser la paramagie, c'était plutôt cool était simplement un plus non négligeable. Arrivé à la BGU, j'avais pourtant rapidement déchanté. J'adressais un sourire de connivence à Joris.

« Il faut dire que pour certain, ils ont plus de muscles que de cervelle. A choisir, je leur laisse la force brute. »

Je ne souhaitais pas devenir une machine de guerre. Juste être suffisamment fort pour ne pas être désavantagé face à un ennemi immunisé contre la paramagie. J'étais loin d'être aussi rapide que Joris, quand il était décidé, c'était une véritable flèche. Mage et rapide, il était plutôt fait pour les attaques à moyenne et longue distance. De mon côté, je favorisais en général la longue distance, n'étant ni vraiment rapide ni très résistant.

J'aimais la sensation de danger des combats. Le risque, l'adrénaline. C'était ce même sentiment que celui que l'ont ressent en faisant tapis à une table de poker. J'aimais le frisson de l'inconnu, ne pas savoir si on allait vaincre ou périr. Enfin, vu la puissance des monstres et avec Joris comme compagnon, le risque était somme toute minime.

« La Forêt me va aussi. Je vais enfin pouvoir pratiquer mes brasiers comme ça. J'ai bien envie d'apprendre à utiliser Brasier +. »

Le feu était mon élément préféré. Avec les sorts de sabotage, c'était là la magie que je maîtrisais le mieux et dans laquelle j'entendais me spécialiser. Le soutien... Ça vous obligeait à rester en dehors de l'action. Pas vraiment ma tasse de thé même si mes sorts de soin étaient décents. Moi, ce que j'aimais, c'était affaiblir l'ennemi jusqu'à pouvoir l'achever en un lancé de cartes.

Je continuais de terroriser les Nocturnus à coup de glacier lorsque l'impensable se produisit. Joris venait de tomber – je n'avais pas trop compris comment il s'y était pris, il était bien maladroit aujourd'hui – et se retrouvait à présent nez à nez avec un succube. Joie.

Je laissais l'occasion à Joris de faire preuve de sa rapidité légendaire pour l'esquive et s'éloigner de la créature – ses fans apprécieraient sans doute moins de le voir chauve sur les réseaux sociaux – avant d'envoyer un glacier bien dosé en pleine face du monstre. Mes réserves de paramagie commençaient à être dangereusement basses. Il était temps que l'on quitte les lieux. Ne restait plus qu'à espérer que cette bataille ne durerait pas trop et que nous pourrions rentrer au bercail.  

Je n'avais pas non plus envie d'être monsieur muscle. Les miens m'aillait parfaitement et à défaut de pouvoir gagner au bras de fer je pouvais griller le peu de neurones qu'ils avaient en leur possession. Compter sur ma vitesse pour éviter les mauvais coups. Il n'y avait pas que des inconvénients à être léger comme une plume. On pouvait remercier mon petit appétit et à ma capacité à ne pas prendre de poids. Il n'y avait que lorsque Paul me préparait à manger que je prenais un vrai repas. Pour lui faire plaisir et parce que c'était aussi bon. Il n'était pas doué seulement avec les plantes mais aussi avec la nourriture. Il n'était ni monsieur muscles ni Einstein mais ça m'allait très bien come ça.

- Enfin quelqu'un qui est d'accord avec moi

On avait quand même eu le culot de me dire que j'exagérais quand j'avais énoncé ce fait à voix haute. De toute façon on ne pouvait rien dire à la BGU. A la fois parce qu'on pouvait se faire taper sur les doigts par la hiérarchie et aussi par des Seeds trop susceptibles. Parce qu'en plus d'être bête, ils avaient un sacré égo. Nul doute qu'actuellement, ils seraient pas en train de courir vers la sortie mais d'affronter les chauves-souris qui étaient juste derrière nous. Il fallait savoir se replier quand on sentait un danger imminent - et finir en saucisse cuite en faisait partie.

- Je note

Ace était en effet un adepte de la paramagie de feu. Tandis que moi c'était la glace. On pouvait dire qu'on faisait un duo de choc tous les deux avec ses éléments opposés. Il y avait bien évidemment d'autres choses à prendre en compte pour former une équipe, mais on ne s'en sortait pas trop mal vu la situation. Ca c'était avant que je ne trébuche comme un idiot, pour me retrouver nez à nez avec le monstre que je n'appréciais pas vraiment. Pour le moment, il était calme, et je me redressais rapidement pour m'éloigner le plus vite possible du Succube. La voie était dégagé et Ace en avait profiter pour lui lancer un glacier en pleine poire. J'en faisais de même, la boule de feu finissant toute geler et tombant dans un bruit de verre brisé sur le sol. Un coup d'œil suffisait pour voir que les Nocturnus en avait profité pour prendre de l'avance.

- Quel entrainement pourri

Déclarais je avant d'attraper Ace par le poignet et de me remettre à courir. Il n'y avait pas le temps de combattre les monstres qui nous barraient le passage vers la sortie. J'avais du slalomer entre des Schizoid, trancher quelques ailes de Nocturnus qui trainaient avant de voir enfin apparaître la lumière du jour. Une fois à quelques mètres de la Mine, je lâchais enfin Ace, et m'adossais contre un rocher. De la fumée s'élevait vers le ciel, signe qu'on avait vraiment eu chaud aux fesses. Et dire qu'on envoyait des cadets s'entrainer là dedans.

Au moins Joris était d'accord avec moi. Ce genre d'affirmation n'était pas toujours reçu avec autant de calme. Pas que j'en ai quelque chose à fiche ceci dit mais c'était toujours agréable de trouver quelqu'un qui partageait notre point de vue. A savoir qu'il y avait une belle brochette de décérébrés à la BGU. Décérébrés qui se feraient un plaisir de m'en coller une. Ou vingt. Autant à cause de ça que du fait que je leur piquais leurs copines. Ça pouvait jouer aussi. Peut être.

L'ambiance n'était plus tellement à l'entrainement et plutôt à la fuite. Je n'avais pas tellement envie de mourir frit dans cette mine. Il fallait déguerpir et vite. Joris l'avait bien compris et nous étions en chemin vers la sortie, malgré son petit incident avec le succube. Ce dernier avait d'ailleurs fini complètement gelé. Je ricanais à la remarque de Joris. J'étais bien d'accord.

« Carrément. Je suis un peu déçu. J'avais tellement entendu parler de cette mine. Je m'attendais à mieux. »

Joris m'attrapa ensuite par le poignet et je le laissais me traîner vers la sortie, accompagnant notre avancée d'une pluie de glaciers afin de venir à bout des Nocturnus. Pas question de gaspiller mes précieuses cartes. Je n'aurais pas le temps de retourner les chercher.

Une fois en dehors de la mine, nous avions couru sans réellement faire cas des templiers. Si le lave devait finir par déborder, ils étaient de toute façon bien assez grands pour se débrouiller tout seuls. Je reprenais ensuite mon souffle, les mains sur les genoux. Il faudrait que j'améliore encore un peu mon cardio.

« Je sais pas trop si j'aurais envie de revenir ici moi. »

J'avais transpiré, mon tee-shirt était toujours autour de la blessure de Joris et j'étais recouvert de traces de suie. Mon retour à la BGU n'allait sûrement pas passé inaperçu. Je nous laissais le temps de reprendre notre souffle avant de me tourner à nouveau vers Joris.

« On fait la course jusqu'à la BGU ? »

Pas sur qu'il relève le défi, mais j'aimais toujours autant le taquiner.

[Fin du sujet]